Archive d’étiquettes pour : une

Quelle importance a le costume au théâtre ?

Ah ! le plaisir de se déguiser ! de se travestir ! d’être pour quelques instants, grâce à un foulard ou un chapeau, quelqu’un d’autre, et jouer la comédie ! Dans nos jeux d’enfants, le déguisement est le moyen privilégié pour devenir quelqu’un d’autre. Et pourtant, au théâtre où tout le métier du comédien consiste à changer de personnalité, on ne se costume pas depuis si longtemps. 

Si vous avez déjà eu la chance de visiter le palais Garnier ou le Centre national du costume et de la scène, vous avez pu voir des tenues portées par des étoiles ou des comédiens célèbres. De près, vous avez pu apercevoir nombre de détails brodés, de perles, de dorures mais aussi de nombreuses traces d’usure, de reprises, de coutures apparentes : splendeur et misère des costumes de scène. Ces détails disent bien l’importance que le costume a gagné au fil des siècles. Richement travaillé, il est devenu un élément important de la représentation scénique.

Quelle est donc la place du costume dans la mise en scène ?

Le costume, cette « seconde peau » du comédien

Le costume de scène désigne le vêtement porté sur scène par les comédiens. Il permet d’abord au spectateur d’identifier rapidement les personnages, y compris depuis le fond de la salle de théâtre : des couleurs, une silhouette sont associées à un individu. Les costumes sont d’ailleurs souvent exagérés afin d’être vus de loin : traînes, coiffes, maquillage exagéré. Les couleurs, notamment, sont un élément visuel souvent utilisé pour définir des familles de personnages ou en démarquer certains. Ainsi, dans la mise en scène de Roméo et Juliette de Thomas Jolly (Bastille, 2023), Juliette est toujours vêtue de blanc : on la distingue d’un coup d’oeil parmi les autres dames. 

Dans la mise en scène des Brigands joué par Oya Kephale (Théâtre Armande Béjart, 2023), le rouge est une couleur réservée aux Espagnols, qui se distingue comme un groupe particulier.  

Etablir un “costume”

Au-delà de  son rôle d’identification, le costume attribue une histoire au personnage. Pour dire « choisir le caractère d’un personnage», le XVIIIe siècle parle d’ailleurs « d’établir le costume » d’un rôle. Cela montre combien le costume et le caractère sont liés. Le vêtement du personnage révèle des informations sur les évènements qui ont précédé son entrée en scène, son époque, ou son statut social : les personnages de Madame Favart sont des personnes réelles du XVIIIe siècle ; la mise en scène peut choisir ou non  de conserver des costumes XVIIIe, comme l’a fait Oya Kephale (Théâtre Armande Béjart, 2024), afin de souligner l’ancrage des personnages dans cette époque. Ce choix permet aussi aux spectateurs de se projeter dans un certain type de relations, de niveau de langage, de vocabulaire etc. Un costume brillant, brodé, riche de dentelles,  trahira un statut social élevé, quand au contraire des couleurs sobres, des tissus mats indiqueront  une personne issue d’une classe modeste. Ainsi, le costume donne un contexte au personnage et participe à la construction du rôle. C’est d’autant plus clair dans le cas de la comédie, avec ses personnages stéréotypés ( matador, jeune premier, barbon, ingénue…), souvent issu de la commedia dell’arte, dont le costume signale le caractère aux spectateurs. 

Il peut également révéler une évolution du caractère du personnage au cours de la pièce : un enrichissement ou encore un changement de tempérament. C’est ce que la mise en scène de Podalydès suggère avec le personnage de Roxane dans Cyrano de Bergerac (Comédie Française, 2018). En effet, de précieuse en robe blanche, elle devient à l’acte IV l’équivalent de Cyrano en bravoure et elle porte une tenue d’aviateur de la même couleur que le costume de son cousin : orange. Le costume peut donc alors être perçu comme une forme de langage non-verbal, qui transmet un message visuel  aux spectateurs.

Extraits de la bande annonce de la Comédie Française (0:55-0:56), acte I et acte IV. 

D’ailleurs, si le costume permet d’exprimer le caractère du personnage, il permet aussi au comédien de s’approprier cette personnalité. Enfiler le costume de son personnage change le jeu de l’acteur : il se tient différemment, il parle différemment, il habite davantage son rôle.

La révolution du costume au XVIIIème siècle

Paradoxalement, le costume  n’apparaît que tardivement dans la tradition théâtrale, malgré l’importance qu’il revêt pour la profondeur des personnages. En effet, si le théâtre antique utilisait des masques afin d’exprimer les émotions, ce n’est qu’au XVIIIe siècle que le costume de scène naît à proprement parler. Jusqu’alors, on parlait encore d’”habit de comédie” pour désigner les tenues que portaient les comédiens, et il s’agissait de tenues leur appartenant, souvent offertes par des mécènes pour les jeunes actrices, et donc par conséquent richement ornées. Dans le cadre de la comédie, certaines tenues étaient achetées en friperie pour marquer une différence sociale sur scène. Mais l’envie de s’afficher étant plus forte que celle d’apporter du réalisme à son rôle, une servante de comédie pouvait, si elle avait un grand mécène, être mieux habillée que sa maîtresse ; le résultat n’était donc pas toujours visuellement convaincant.

Au XVIIIème siècle, deux actrices vont lancer une révolution dans les costumes de scène : Mme Favart apparaît en 1753 au Théâtre-Italien en bergère pour jouer le rôle de Bastienne. Son audace sera louée par son mari, Charles Favart : « j’ose dire que ma femme a été la première en France qui ait eu le courage de se mettre comme on le doit être lorsque l’on vit avec des sabots dans Bastien Bastienne » Sur la scène tragique, c’est La Clairon qui poursuivra cette tendance et elle justifiera ce changement dans ses Réflexions sur l’art dramatique en 1799 par un retour à une forme de réalisme. Elle sera soutenue dans ces déclarations par Diderot, grand ponte du réalisme sur scène, qui s’insurge contre ces « poupées poudrées frisées, pomponnées » qui prétendent jouer la mort d’un mari, d’un fils, la guerre, en conservant leur paniers et leur corset.

 

Madame Favart en costume de Ninette, Maurice Dumoulin, Favart et Madame Favart: un ménage d’artistes au XVIIIe siècle, Louis-Michaud, 1900.

A partir de cette époque, les comédiens vont s’inspirer des tableaux de peintres pour choisir un costume qui correspondra à leur personnage. Les peintres d’abord, puis les couturiers vont proposer des dessins de costumes destinés aux spectacles. Cela donnera naissance au métier de  costumier.

Permettre le spectaculaire, créer l’illusion

Lors d’une représentation, l’espace scénique devient un monde à part. Celui-ci peut être fictionnel ou ancré dans une réalité historique. Le costume permet alors de faire le lien entre le corps physique de l’acteur et le corps symbolique du personnage représenté. Il n’est pas là simplement pour faire joli, il possède un rôle dans l’illusion dramatique. Barthes résume cela ainsi : « le costume n’a pas pour charge de séduire l’œil mais de le convaincre ».

Le costume peut alors être considéré comme un élément de décor qui participe à la création d’une ambiance, d’un monde fictionnel. C’est le rôle qui peut être donné aux costumes dans l’opéra Médée mis en scène par David McVicar (Garnier, 2024). En effet, ils  reprennent les uniformes des différents corps d’armée (marine, terre, air). Ils participent ainsi à replacer l’histoire de Médée dans son contexte de guerre.

Le costume peut également, comme le souligne Susan Hilferty, costumière de Wicked (une production de Broadway, 2003), mettre en scène l’émerveillement. Pour représenter une fée, par exemple, être fictif, il suffira de  quelques paillettes et de tissus vaporeux tels que l’organza ou la mousseline, qui marquent son lien avec l’air. La costumière joue également sur les couches de tissu pour donner du volume. Le costume participe ainsi à la venue au monde d’une créature imaginaire.

Photo de Joan Marcus, The National touring Company of WICKED, The Hobby Center, for the performing arts.
Wicked, presented by Memorial Hermann Broadway at the Hobby Center

Le défi des costumiers

Mais la mise au jour de personnages et des mondes fictifs dans lesquels ils évoluent ne doit pas prendre le pas sur les contraintes réelles des artistes et acteurs qui endossent ces costumes. Les costumes participent à la création de cet univers, mais il s’agit uniquement d’une illusion de réalité.

L’importance de la visibilité

En effet, le costume est fait pour être vu sous la lumière des projecteurs depuis les fauteuils de la salle de spectacle. Le costumier doit donc prendre en compte les jeux de lumières et les modifications que cela peut entraîner. Par exemple, David McVitar utilise la lumière et ses réverbérations dans sa mise en scène (Médée, Garnier, 2024) pour faire briller de mille feux la robe de soleil, toute pailletée, portée par Créuse. Par ailleurs, les accessoires, notamment les chapeaux, doivent être pensés pour ne pas masquer le visage de l’acteur, surtout quand ils sont volumineux comme c’est le cas sur le plateau de Wicked (Broadway, 2003).

Contraintes scéniques et corporelles

D’autres contraintes, liées à la mise en scène ou aux besoins des comédiens, entrent en jeu dans la fabrication de costumes de scène. Chaque rôle requiert une attention particulière : cela peut aller de l’accessoire indispensable à la prise en compte dans le dessin du patron de contraintes scéniques. Dans Wicked, la costumière Susan Hilferty devait inclure des harnais dans les corsets de certains de ses acteurs afin de pouvoir les faire voler. Pour la production Madame Favart de Oya Kephale, il a fallu modifier des patrons afin d’y  ajouter des poches nécessaires pour contenir certains accessoires.

Parfois danseurs ou chanteurs, les comédiens ont des besoins liés à leur pratique scénique. Bien sûr, tous les costumes sont confectionnés sur mesure ou, dans le cas d’une réutilisation, repris par des couturiers pour aller comme un gant à l’acteur qui les portera. Dès leur création, on leur prévoit  un grand ourlet afin de pouvoir  les agrandir ou les raccourcir selon l’acteur qui les portera. Ils peuvent aussi être renforcés à certains endroits, ce qui prolonge leur durée de vie ; et les plus précieux sont conservés dans des conditions particulières, notamment au CNCS qui possède de nombreux costumes historiques, marqués à l’intérieur du col d’un ou plusieurs noms, ici d’un comédien réputé, là d’une chanteuse célèbre…

Les costumiers doivent aussi prendre en compte les besoins des interprètes afin de ne pas les gêner. La respiration, par exemple, est très importante pour le chant lyrique ; les cantatrices ne portent pas de corset ni de cols montants qui pourraient les gêner. Les costumes sont donc modifiés pour prendre en compte ces critères, jusqu’à retirer des baleines du corset ou surtailler un patron.

Conclusion

Il participe à la mise scène, il aide le comédien à jouer, il porte un personnage … Le costume de scène mérite bien l’importance qu’on lui donne dans les représentations scéniques, mais pour être réussi, il doit prendre compte de nombreuses contraintes, que sont chargées de résoudre les petites mains des couturiers.

 

SOURCES :

Monographies: 

  • Barthes Roland, “Les Maladies du costume de théâtre”, in Essais critiques, Paris, Seuil, 1964.
  • Diderot Denis, “De la poésie dramatique”, in Œuvres de théâtre de M. Diderot, Amsterdam, 1770.
  • Dumoulin, Maurice, Favart et Madame Favart: un ménage d’artistes au XVIIIe siècle, Louis-Michaud, 1900.

Articles : 

  • Huchard, Colette, “Le costume : évolution et transformation d’un langage», Études théâtrales, vol. 49, no. 3, 2010, pp. 161-163.
  • Naugrette, Catherine, “Entre Corps  et décor: les maladies du costume de théâtre, relire Barthes aujourd’hui”, Etudes théâtrales, 2017/1 (N°66), pp 169 -175, DOI 10.3917/etth.066.0169
  • Perilli, Fabio. “Le costume de scène pour la définition du personnage tragique. La ‘Réforme’ du dix-huitième siècle”. Modenesi, Marco, et al.. « La grâce de montrer son âme dans le vêtement » Scrivere di tessuti, abiti, accessori. Studi in onore di Liana Nissim : (Tomo I) – Dal Quattrocento al Settecento. Milano : Ledizioni, 2015. (pp. 321-332) Web. <http://books.openedition.org/ledizioni/6067>.
  • Château de Versailles, fiches thématiques “le costume de scène”, constulté le 26 avril 2024 fiche_thematique_-_le_costume_2_.pdf (chateauversailles.fr)

Reportages vidéo: 

Interview: 

  • Interview Marie Leclerc, costumière pour Oya Kephale, année 2023 et 2024, le 16 avril 2024, propos recueillis par Blandine Jenner. 

Rédaction de l'article

L’orchestre de chambre, c’est quoi ?

Vous rêvez d’écouter de la musique classique ? Mais lorsque vous en mettez, sur votre enceinte, dans votre chambre, vous n’êtes pas conquis ? Il vous faudrait voir le violon sur votre lit, la flûte devant votre bureau… ? Mais pour résoudre votre problème, il existe une solution : l’orchestre de chambre !

Comme son nom l’indique, l’orchestre de chambre à été créé pour tenir dans une chambre. Certes, il s’agissait à l’origine des chambres du XVIIe siècle, donc peut-être plus grandes que la vôtre… Il a tout de même été créé pour tenir dans un lieu plus intime qu’une salle de concert ou une église, d’où son nom… et sa taille !


Que trouve-t-on dans un orchestre de chambre ?

En effet, on ne trouve pas plus d’une trentaine d’instrumentistes dans un orchestre de chambre. C’est donc un orchestre de taille modeste. 

Vous vous dites sans doute, « une trentaine de musiciens, chez moi, ça ne rentrera pas »… Mais une chance pour vous, il s’agit surtout de petits instruments. En effet, l’orchestre de chambre est constitué d’un pupitre de cordes (violon, alto, violoncelle et contrebasse, le seul vrai encombrant), d’un pupitre de bois (flûtes, clarinettes, hautbois, bassons) et de quelques cuivres, selon les morceaux. Mais surtout, chaque partie est jouée par un instrument soliste ! Au fil des siècles, les compositeurs ont doublée, triplé, quadruplé les parties, ajouté quelques percussions et cuivres, un clavecin ou un piano…, et cela va donné naissance aux orchestres symphoniques que vous connaissez. Mais ceux-là ils ne rentreraient pas dans votre chambre, pour sûr !

pianoweb, composition d’un orchestre classique

Un répertoire particulier ? 

Une fois installés dans votre chambre, que vont-ils vous jouer ? Quelque chose de beau, au moins ? Mais bien sûr, et probablement quelques morceaux que vous connaissez, puisque l’un des grands maîtres de la musique de chambre, c’est Mozart ! On peut citer, par exemple, sces concertos, les numéros pour quatuors, quintettes à cordes, etc. La grande nouveauté amenée par la constitution d’orchestre de chambre est la popularisation d’une répertoire profane, en opposition à la musique sacrée jouée dans les églises. (Ou bien : la naissance de l’orchestre de chambre popularise un répertoire profane, en parallèle de la musique sacrée jouée dans les églises.)

Pourquoi l’orchestre de chambre est-il né au XVIIe siècle ? 

Les grandes fêtes données par Louis XIV épanouissent la vie mondaine du XVIIème siècle. Pour quelque occasion que cela soit, on veut avoir un peu de musique chez soi. L’enceinte n’existant pas encore, on invite quelques musiciens pour jouer du Mozart, du Haydn… Un peu comme dans le film  Intouchables (2011), pour l’anniversaire de Philippe. 

Au XIXe siècle, le romantisme encourage la constitution de grands orchestres. Ainsi, Berlioz composera pour 458 instrumentistes ! Les orchestres de chambres sont un peu oubliés, on ne compose plus pour eux. Au XXe siècle, cependant, ils sont remis à l’honneur, que ce soit par manque de moyens à cause de la crise économique, ou bien dans un soucis esthétique, liés à l’influence de petits ensembles à la mode, de jazz par exemple.e; Een tout cas, la musique pour orchestre de chambre reçoit un second souffle, et ce, pour notre plus grand plaisir !

Rédaction de l'article

Image d’illustration : Orchestre de l’Opéra Royal, dans la galerie des Glaces à Versailles, chateaudeversailles-spectacles.fr

La grande histoire de l’opérette

Cocorico! Broadway est français !
Le trait est quelque peu grossi (que ne ferait-on  pas pour capter l’attention de son lectorat !), mais la comédie musicale a en effet une origine française, avec son cousin et ancêtre : l’opérette ! 

Petite généalogie de l’opérette 

Si Offenbach est le premier nom qui vient en tête en évoquant l’opérette, ses origines remontent  bien avant la naissance de cette star des théâtres de boulevard.

Le trouvère Adam de la Halle serait, au XIIIe siècle, l’un des premiers à écrire ce genre de bouffonneries pastorales et pittoresques mêlant théâtre et musique, un ancêtre éloigné notre opérette en somme.

Au XVIIe siècle, Molière et Lully surent entretenir des divertissements légers de cour dans leurs comédies-ballets. 

Au XVIIIe apparaît enfin un cousin proche de l’opérette. Des pièces théâtrales inspirées par l’opera-buffa italien, satiriques, burlesques, ornées de refrains entêtants, sont  alors jouées dans les foires de Saint-Germain, de Saint-Laurent et de Saint-Ovide. C’est la naissance de l’opéra-comique, rapidement soutenu par les penseurs des Lumières qui condamnent par la même occasion le sérieux – jugé pompeux – des compositeurs baroques de « drames lyriques ornés de machines et de danses ». 

Attention : l’opéra comique n’est pas pour autant toujours drôle (frauduleux comme nom, n’est-ce pas?) ! Porté par les Lumières, il allie encore souvent comique et observation critique, ironique, de sujets sérieux de l’époque. Des passages parlés permettent d’ailleurs de s’adresser au public en aparté. Un exemple pour vous convaincre de la supercherie qui se cache derrière le terme « opéra comique »? La fin de Carmen, n’en déplaise à Bizet, n’est pas des plus tordantes…

Et pour cause : le terme comique dérive du latin comicus « qui a trait au théâtre, aux comédiens ». Au départ, il exprime donc le fait que ces pièces soient en partie parlées, en faisant un genre à mi-chemin entre opéra et théâtre. L’aspect humoristique d’une pièce est alors plutôt exprimé par le terme d’opéra-bouffe.

 Il faut attendre le milieu du XIXe siècle pour que l’opérette telle que nous la connaissons naisse en France.  Fatigué par les révolutions passées, par les changements de gouvernement du Second Empire et par une industrialisation de plus en plus intensive, le public parisien, toutes classes sociales confondues, avait grand besoin de ce divertissement. Des compositeurs comme Florimond Ronger alias Hervé, père de l’opérette, suivi par Offenbach, son ami et rival, exportent ces excentricités musicales parisiennes en Europe (à Vienne notamment) et remplissent les salles des théâtres du Châtelet, des Champs-Elysées, des Variétés, de la Gaîté Lyrique…

Place aux choses sérieuses ?

L’aube du XXe siècle, avec sa Grande Guerre, brise le délire euphorique et parisien des « cafés-concerts » de boulevard. Les théâtres cités plus hauts deviennent des lieux sérieux, dédiés aux concerts sérieux, lors desquels se joue de la musique sérieuse, composée par des compositeurs sérieux. Quelques-uns de ces compositeurs (Messager, Poulenc…) se prêtent cependant encore avec amusement à la composition d’opéras plus légers. 

Outre-Atlantique, l’opérette inspire la comédie musicale américaine (Broadway nous doit donc effectivement une fière chandelle), avant que celle-ci ne se détourne finalement de ses origines classiques et françaises pour embrasser les nouvelles formes de musiques,notamment le jazz. 

Dans l’entre-deux guerres, le pays de l’aïoli et du pastis s’empare de l’opérette et en fait un divertissement provençal et provincial.

Arrive une Seconde Guerre mondiale, mais l’opérette tient et connaît un nouveau et dernier souffle entre les années 50 et 60, avec des chanteurs comme Luis Mariano (si si, vous connaissez forcément le chanteur de « Mexiiiiii-cooo »!).    

Aujourd’hui, pour vivre ce genre de divertissement, il faut assister à des représentations de ces œuvres du passé.

Mais souhaitons que l’opérette vive toujours, car il est vital de rire en musique et d’écouter de la musique en riant !

 

SOURCES :

 

Rédaction de l'article

Pourquoi Oya Kephale ne joue que des œuvres d’Offenbach ?

Il est une question que les habitués des productions d’Oya Kephale finissent souvent par se poser, après avoir assisté à deux, trois, voire dix opéras-bouffes montés par notre troupe : 

“ – Mais vous ne jouez que du Offenbach ? Jamais d’autres compositeurs ?”
“- Pourquoi rejouez-vous les mêmes opérettes année après année ?”
“- Il y a des opérettes moins connues que vous pourriez jouer !”

 Ces questions font hélas souvent abstraction de la moitié du programme d’Oya Kephale, et entretiennent l’idée reçue selon laquelle notre troupe ne jouerait que du répertoire offenbachien. 

Oya Kephale, ce ne sont pas que des opéras-bouffes, mais aussi des concerts d’autres types de musique.

Eh oui, à chaque mois de décembre, le chœur et l’orchestre jouent un programme mettant à l’honneur différents compositeurs, souvent du XIXe siècle, avec dernièrement Charles Gounod, César Franck, ou Camille Saint-Saëns. Mais des œuvres d’autres époques, allant de la Renaissance (Motets de Monteverdi) à la fin du XXe siècle (Silouans song d’Arvo Pärt), ont également été jouées à l’occasion de ces concerts.

Et Offenbach n’y tient une place que très minoritaire : c’est en effet seulement lors des éditions de 2010 et de 2015 que des extraits de quatre de ses œuvres (lyriques) furent interprétés : 

  • Sponsa Dei, pour chœur et orchestre, extrait de la musique de scène du drame La Haine, de Victorien Sardou.
  • Les Fées du Rhin, Ouverture pour orchestre, et Marche funèbre pour orchestre et chœur de femmes.
  • “Hommage à Jacques Offenbach” pour solistes, chœur et orchestre,
      d’après l’Apothéose des Contes d’Hoffmann.

Toujours est-il que la troupe prend un grand plaisir à travailler ces œuvres de décembre, qui permettent d’élargir la pratique de chacun des musiciens à d’autres répertoires bien différents des opéra-bouffes d’Offenbach.  Et ces concerts sont aussi l’occasion de mettre en avant des pièces moins connues, voire rarement jouées, comme La Messe des anges gardiens de Charles Gounod, ou le Concerto pour flûte de Pleyel.

Les opérettes de mai : 99 % Offenbach

Il faut en revanche bien admettre que l’autre moitié du programme annuel d’Oya Kephale fait la part belle à Jacques Offenbach, avec douze de ses opéra-bouffes ou opéra-fééries, joués, rejoués – et parfois rerejoués ! – entre 1995 et 2023 !

Une seule exception doit être relevée, avec la création en 2004 d’un opéra-comique original, Merlin ou la nuit des métamorphoses. Composée par le directeur de la troupe de l’époque, Yannick Paget, sur un livret de Côme de Bellescize, cette œuvre signe néanmoins une parenté avec Offenbach, croisée avec celle de Bernstein. Elle propose en outre l’association audacieuse des influences de l’opérette, de la comédie musicale et du théâtre shakespearien.

Mais Offenbach reste bien le compositeur fétiche de la troupe, laquelle ne fait après tout que respecter l’héritage laissé par ses fondateurs, qui avaient démarré l’aventure avec la production de La Belle Hélène en 1995. Cette œuvre maîtresse du répertoire offenbachien a durablement imprégné l’identité de la troupe, à la fois nominale et visuelle. 

La pomme taillée en forme de cœur est en effet un clin d’œil à la célèbre pomme d’or de L’Illiade, élément déclencheur de l’enlèvement d’Hélène par Pâris, qui fonde l’intrigue de l’opéra-bouffe d’Offenbach. Ce fruit, et ses influences sur les amours humaines, est par ailleurs repris dans d’autres de ses œuvres comme Le Voyage dans la Lune.

La Belle Hélène sera ainsi jouée trois fois dans l’histoire de la troupe : après la première de 1995, une seconde en 2002 et une troisième à l’occasion de ses 20 ans en 2015. Mais ce sera aussi le cas de La Périchole, de La Vie parisienne ou encore des Brigands. Ces différentes reprises posent alors la question de l’inépuisabilité du répertoire offenbachien : la troupe a-t-elle fait le tour des opérettes de ce compositeur ? Pourquoi continuer à jouer les mêmes pièces ? La troupe sacrifierait-elle tant à son identité en dérogeant à la “règle Offenbach” ?

L’opéra-bouffe offenbachien, un format idéal pour la troupe comme pour le public

Si le rapport identitaire à Offenbach n’est pas à négliger, il ne suffit pas à expliquer la fidélité de la troupe à ce compositeur.

La question du « format » de ses œuvres est aussi centrale. Le modèle des opéra-bouffes d’Offenbach convient en effet bien à la structure de la troupe qui, rappelons-le, est composée d’un chœur et d’un orchestre permanent, à laquelle s’adjoignent des solistes.

L’orchestration de ces œuvres demande à la fois un effectif assez fourni et une grande variété d’instruments (cordes, bois, cuivres et percussions), tandis que les numéros chantés offrent un bon équilibre entre ceux qui sont propres au chœur et ceux propres aux solistes. Sans compter les finals,  avec des soli qui s’intercalent dans les refrains d’ensemble.

Les possibilités de retrouver une telle structure chez d’autres compositeurs sont finalement assez rares. Des opérettes bien connues comme La Chauve-souris de Johann Strauss ou La Belle de Cadix de Francis Lopez mettent davantage en valeur les personnages solistes au détriment du chœur, dont les quelques morceaux se comptent sur les doigts d’une main amputée. C’est d’ailleurs aussi le cas pour certaines pièces d’Offenbach, telles que Robinson Crusoé ou Vert-Vert. 

Par ailleurs, d’autres œuvres dont la structure pourrait convenir à la troupe, comme celles de Lopez, sont encore sujettes au droit d’auteur et les moyens de la troupe, qui demeure composée de bénévoles, ne sauraient couvrir les frais correspondants.

Enfin, il faut aussi croire que le répertoire offenbachien entretient encore et toujours un engouement du public en général, et de notre public en particulier ! La recette de l’opéra-bouffe assure en effet un succès quasi-certain – si elle est bien suivie !  – avec une partition enjouée, une orchestration étoffée, des mélodies entraînantes, gaies, parfois sentimentales, l’alternance des dialogues et des airs, la qualité du livret, son rythme, ses allusions satiriques et cet esprit « bouffe » qui amuse invariablement le public du XIXe siècle comme celui du XXIe.

Notre public ne semble pas se lasser d’Offenbach !

Alors, Offenbach pour toujours ? Voilà une grande question pour la troupe, qui pourrait bien élargir ses horizons et explorer des œuvres dignes d’être davantage mises  à l’honneur, qu’elles soient d’Offenbach, ou d’un autre !

 

Sources


 

Rédaction de l'article

Oya Kephale : pourquoi ce nom ?

« Oya Kephale » (prononcer oya kéfalé), est extrait d’un couplet d’Oreste dans La Belle Hélène (1ère opérette réalisée par la troupe en 1995). Ces mots de grec signifient « Quelle tête ! », sous-entendu “Quelle tête il fait !”

 

En 1864, date de la création de La Belle Hélène, le public du théâtre des Variétés était semble-t-il suffisamment lettré pour comprendre ce passage. Kephale comptait probablement parmi les premiers mots de grec que l’on apprenait. 

 

Voici le contexte : 

Oreste, fils turbulent d’Agamemnon, entre dans le temple de Jupiter accompagné de “dames de Corinthe” – comprendre : des femmes de petite vertu. La Reine Hélène, et surtout le grand augure de Jupiter, Calchas, sont quelque peu gênés de leur arrivée dans le lieu sacré.

 

Extrait du livret :

HÉLÈNE, se retournant vers la droite avant d’entrer dans le temple.

Tiens ! il est avec Parthénis… Elle s’habille bien, cette Parthénis ! Il n’y a que ces femmes-là pour s’habiller avec cette audace !

Entrée d’Oreste, entrée vive et bruyante. Une petite troupe de joueuses de flûte et de danseuses accompagne Oreste, Parthénis et Léæna. Toute la bande se précipite sur Calchas et l’enveloppe.

CALCHAS, regardant à droite.

Et dire que c’est le fils d’Agamemnon, le fils de mon roi !…

TOUS.

Ohé ! Calchas ! ohé !

ORESTE, à Calchas (chanté).

    Au cabaret du Labyrinthe

    Cette nuit, j’ai soupé, mon vieux,

    Avec ces dames de Corinthe,

    Tout ce que la Grèce a de mieux.

    (Présentant à Calchas Parthénis et Léæna)

    C’est Parthénis et Léæna,

    Qui m’ont dit te vouloir connaître.

CALCHAS, passant entre les deux femmes.

    Pouvais-je m’attendre à cela ?

    Mesdames, j’ai bien l’honneur d’être…

ORESTE.

    C’est Parthénis et Léæna !

TOUS.

    C’est Parthénis et Léæna !

Danses autour de Calchas sur un accompagnement de flûtes et de cymbales.

    Tsing la la, tsing la la !

                     Oya Kephale, Kephale, o la la !

    Tsing la la, tsing la la !

 

La joyeuse troupe se moque des airs que prend Calchas, qui peine à garder sa dignité au milieu de cette excitation.

 

 

Rédaction de l'article

Une opérette, c’est quoi ?

« Général d’opérette », « république d’opérette », « une vulgaire chanteuse d’opérette »… Le terme d’opérette n’a décidément pas bonne presse, et on l’utilise volontiers pour donner une tournure péjorative aux personnages et aux situations que l’on veut décrédibiliser.

Partant, nombreux sont ceux qui n’ont jamais vu une seule opérette et qui s’imaginent qu’il ne s’agit que d’une forme d’opéra de second rang. Un tel préjugé ne date pas d’aujourd’hui. Dès le milieu du XIXe siècle, le critique musical François-Joseph Fétis définissait l’opérette ainsi dans le Littré (1863-1873): « Mot qui a passé de la langue allemande dans le français, et par lequel on désigne de petits opéras sans importance par rapport à l’art ».

Certes, tout préjugé a un petit fondement de vérité. Alors, l’opérette, c’est juste un opéra léger ou un petit opéra ? Ou les deux en même temps, mon général ?

Une définition rigoureuse de l’opérette paraît très délicate, tant le genre est devenu protéiforme au gré des évolutions qu’il a connues dans son histoire.

Alors, sans prétendre vous apprendre ce qu’est l’opérette, osons au moins vous dire ce qu’elle n’est pas vraiment !

L’opérette, un petit opéra ?

L’opérette serait selon ce premier point de vue une forme réduite de l’opéra, qu’attesterait d’ailleurs la portée diminutive du suffixe -ette:  maisonnette, fillette, ou… bolinette comme dirait Numérobis.

Mais en quoi l’opérette serait-elle moins grande qu’un opéra ? Du fait d’un lieu de production plus modeste, d’une durée plus brève, d’un argument plus ramassé, d’un plus petit nombre de personnages, ou d’instrumentistes ?

L’opérette française sous Offenbach

La question du lieu de la création est une caractéristique fondatrice du genre de l’opérette.

A l’époque des « pères » de l’opérette, que furent Hervé ou Offenbach, une réglementation particulièrement stricte encadrait les productions théâtrales. Héritée d’un système de privilèges établi sous le premier Empire, elle limitait le nombre de salles de théâtres – d’abord à 8 sous Napoléon Ier – et elle régulait le type de spectacles pouvant y être joués.

Des dérogations ont progressivement été accordées au début du Second Empire, permettant notamment à Offenbach d’ouvrir un petit théâtre, bénéficiant de l’autorisation d’y produire des « scènes comiques et musicales dialoguées à deux ou trois personnages ».

Le théâtre des Bouffes Parisiens voit le jour en 1855, et Offenbach peut y diriger ses premières opérettes, comme Les Deux aveugles et Le Violoneux. Ces œuvres respectent alors les restrictions énoncées, et, de fait, les caractéristiques de durée et d’effectif limités.

Caricature d’Offenbach cherchant une nouvelle salle pour le théâtre qu’il vient de créer. Après avoir connu le succès estival de l’Exposition universelle, le théâtre des Bouffes-Parisiens quitte les Champs-Elysées, et emménage dès l’hiver 1855 à la salle Choiseul, proche de l’Opéra-Comique.

Ainsi, le livret tient le plus souvent en un acte unique. Par conséquent, la durée d’une opérette sera mécaniquement plus courte que celle d’un opéra, qui se décline en deux, trois voire quatre ou cinq actes.

Mais Offenbach persévère. Petit à petit, il s’affranchit de ces restrictions et compose des pièces plus longues, avec un quatrième personnage (Bataclan, 1855), puis un cinquième (Croquefer, 1857), jusqu’à même pouvoir y insérer des chœurs ! C’est alors que le répertoire d’Offenbach évolue vers un registre plus proche de l’opéra-comique, avec Orphée aux enfers, créé en 1858. L’opérette est peu à peu délaissée au gré de l’assouplissement réglementaire, qui culmine avec la parution du décret sur la liberté des théâtres en 1864. Offenbach ne compose que très rarement des opérettes à partir de cette période, et il se consacre essentiellement à l’écriture d’opéras-bouffes, d’opéras-fééries et d’opéras-comiques, œuvres plus « grandes » par leur durée et leur effectif.

De grandes opérettes ?

Hélas, on ne peut s’arrêter à ce critère de taille pour définir l’opérette, le terme ayant été revendiqué par des compositeurs plus tardifs qui s’en sont écartés.

Ainsi en est-il des opérettes autrichiennes, dont les plus célèbres, comme La Chauve-souris (1874) de Johann Strauss fils, ou La Veuve joyeuse (écrite en 1874, mais créée en 1905) de Franz Lehar, sont écrites en trois actes, et incluent un grand nombre de personnages, des chœurs, ainsi qu’une instrumentation étoffée.

De même, les opérettes françaises du XXe siècle échappent à ces critères, quand on songe à celles de Maurice Yvain (Là-haut, 1922), d’André Messager (Coups de roulis, 1928) ou de Francis Lopez (Le Chanteur de Mexico, 1955).

Luis Mariano « Le chanteur de Mexico » (Archive INA). Le Chanteur de Mexico, air extrait de l’opérette éponyme, immortalisé par le ténor Luis Mariano.

Mais alors, quel est le point commun entre ces dernières pièces et les opérettes originelles d’Offenbach ?

L’opérette, un opéra qui ne se prend pas au sérieux ?

Peut-être serait-ce le critère du caractère léger et satirique qui pourrait alors servir de dénominateur commun aux différentes formes d’opérette.

L’opérette en opposition à l’opéra ?

C’est en effet sous cet angle que l’on aime à distinguer d’une part, le genre de l’opéra, solennel, grandiose, grave et noble, qui séduit les classes intellectuelles et aristocratiques, et d’autre part, le genre de l’opérette, trivial, burlesque voire ridicule, qui n’amuserait que la petite bourgeoisie. Cette distinction est hélas bien trop exagérée, et là encore, la faute peut être imputée à ce suffixe en -ette, qui n’aide pas, avec sa connotation souvent dégradante (mauviette, pichenette, lavette etc.).

De plus, elle est erronée, car confusion est ici faite entre opera-buffa et opérette. L’opérette n’est en effet pas un produit dérivé de l’opéra, comme l’est l’opera-buffa, qui s’est développé à partir de l’operia-seria, et qui inspirera les opéras-bouffes d’Offenbach.

La satire oui, mais pas n’importe laquelle…

Certes, l’opérette demeure une œuvre souvent satirique et peut même avoir des allures de farce. Mais l’opera-buffa s’appuie tout de même sur des thèmes ou des personnages tirés d’une littérature savante, évoluant dans une intrigue relativement élaborée qui explore les moeurs de l’époque – et la façon dont elles sont habilement contournées, comme il Barbiere di Siviglia de Rossini ou Cosi fan tutte de Mozart. L’opérette, quant à elle, met en avant des situations plus familières et proches du quotidien, dans une narration qui relève plus du vaudeville que de la comédie, sans autre but que de distraire.

il Barbiere di Siviglia – Rossini Opéra de Rouen-Normandie 2019, Finale de l’acte II (version de l’Opéra de Rouen-Normandie, mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau). L’opérette et surtout l’opéra-bouffe reprennent les motifs satiriques et les airs enjoués de l’opera-buffa, lequel demeure cependant caractérisé par une finalité morale, ici inspiré de la pièce de Beaumarchais, Le Barbier de Séville ou La Précaution inutile.

De plus, contrairement à l’opera-buffa, l’opérette comporte des dialogues parlés – ce qui la rapproche alors de l’opéra-comique. Mais là encore, ce critère de proximité avec le genre du vaudeville ne s’applique pas tellement aux opérettes autrichiennes évoquées plus haut. L’on pourrait d’ailleurs presque croire que ces dernières relèveraient plus de l’opéra-bouffe, et que le terme d’opérette leur serait appliqué pour mieux souligner l’influence d’Offenbach. Notons d’ailleurs que le livret de La Chauve-souris trouve son origine dans une comédie de Meilhac et Halévy (Le Réveillon), qui furent eux-mêmes librettistes d’un grand nombre d’œuvres offenbachiennes.

La Chauve-Souris, quoiqu’intitulé “opérette” par Strauss lui-même, ressemblerait davantage à un opéra-bouffe offenbachien. Ici l’air du Prince Orlofsky “Im Feuerstrom der Reben dont l’ambiance n’est guère éloignée du final de l’acte III de La Vie parisienne: Die Fledermaus – English subtitles – Bavarian State Orchestra 1987 – Kleiber Wachter Coburn. Source de l’image : carte postale pour le 25e jubilé de la création de la Chauve-souris, Wienbibliothek, WBR, HS, HIN-223954.

Mais alors, qu’est-ce qu’une opérette ?

Comme annoncé d’emblée, il était plus évident de dire ce que n’est pas une opérette. Dire ce qu’elle est précisément, c’est prendre le risque de la figer dans un genre artificiel, qui ne tient pas compte de la réalité historique – celle d’une incrémentation progressive d’influences des différents compositeurs d’opérettes à travers les âges et les pays. Et pour celles et ceux qui voudront encore obtenir une définition canonique de l’opérette, il faudra se contenter de rechercher un faisceau d’indices à la manière des juristes, en gardant en tête que ces critères sont loin de s’autosuffire :

  • Brièveté du livret
  • Effectif réduit, tant pour les chanteurs que les instrumentistes
  • Thème léger et satirique, proche du vaudeville
  • Présence de dialogues parlés

Si vous avez bien suivi, vous aurez donc compris que, malgré les abus de langage, Oya Kephale n’a jamais produit une seule opérette ! Eh oui, si Offenbach est, pour l’heure, le seul compositeur que nous mettons à l’honneur au théâtre d’Asnières, nous n’avons joué que ses opéra-bouffes et ses opéra-fééries.

Sources

 

 

Rédaction de l'article

Mais qui est Jacques Offenbach ?

Si le nom d’Offenbach sonne familier pour beaucoup, bien peu sont capables de fredonner l’un de ses airs  – au-delà du cercle ésotérique des fanatiques de musique classique. Et pourtant, s’ils ont le malheur de tomber sur un musicien excité de la troupe Oya Kephale qui leur explique qu’il a forcément déjà entendu ça, ils se ravisent et affirment d’un ton assuré « Ah, mais oui, c’est le mec qui a fait le French can-can ! »

 

 

Las, il faut alors entreprendre de leur expliquer que ce n’est pas exactement ça, que le Moulin Rouge a ouvert dix ans après la mort d’Offenbach et que sa vie est loin de se résumer à ces quelques mesures légères et endiablées, qui ont certes fait le tour du monde.

 

 

 

Un enfant prodige

Jakob Offenbach naît en 1819 à Cologne, d’un père musicien et chantre à la synagogue. Il révèle très tôt d’excellentes aptitudes pour la composition et pour la pratique du violon, puis du violoncelle.

Son père lui fait quitter l’Allemagne dans l’espoir de le faire admettre au Conservatoire de Paris. Son talent lui vaut d’être accepté par son directeur, Luigi Cherubini, et ce malgré son jeune âge (14 ans) et sa citoyenneté allemande. Rappelons que Liszt et Franck avaient été refusés peu avant au Conservatoire, du fait de leur citoyenneté étrangère. Il adopte alors le prénom de Jacques, et s’empresse d’achever ses études pour tenter de vivre de sa musique.

De la musique de théâtre à l’opéra-bouffe

Il intègre en 1835 l’Opéra-Comique comme violoncelliste permanent, et il y découvre notamment le théâtre et le développement du répertoire lyrique. Parallèlement, il se produit dans les salons et se fait remarquer par son jeu virtuose.

C’est en 1850 que sa vocation de compositeur d’œuvres lyriques se confirme, lorsqu’il devient directeur musical de la Comédie-Française.

Il écrit ses premières opérettes en 1853 mais, à son grand désarroi, ne parvient pas à les faire jouer à l’Opéra-Comique. C’est alors qu’il crée le Théâtre des Bouffes-Parisiens où il peut librement faire jouer ses compositions. La position astucieuse de ce théâtre, sur l’avenue des Champs-Elysées, lui permet aussi de drainer un public particulier, celui de l’Exposition universelle de 1855. Le succès de ses premières pièces fait grandir sa notoriété, et lui vaudra d’être surnommé par Rossini « le petit Mozart des Champs-Elysées ».

C’est d’ailleurs l’opera-buffa de Rossini qui inspire le nouveau genre qu’Offenbach entend développer après celui de l’opérette : l’opéra-bouffe. Orphée aux enfers, « opéra-bouffon », fait figure d’œuvre pionnière de ce genre et lui assure un succès progressif. C’est notamment dans cette œuvre que l’on retrouve le fameux galop infernal, repris en can‑can par la suite.

 

 

Divertir le Second empire … et le reste du monde

Après avoir quitté la direction du Théâtre des Bouffes-Parisiens en 1862, Offenbach est très sollicité par les grandes salles parisiennes : au Théâtre des Variétés sont créées La Belle Hélène, Barbe-Bleue, La Grande Duchesse de Gérolstein, La Périchole, et Les Brigands, et à celui du Palais-Royal, La Vie parisienne. Ces œuvres, qui dépeignent, non sans ironie, les grandes heures du Second Empire, suscitent un engouement croissant, et marquent un véritable apogée dans la carrière d’Offenbach.

Il retrouve également la fosse de l’Opéra-Comique, mais cette fois-ci à la direction, en y créant plusieurs œuvres comme Robinson Crusoé et Vert-Vert. La popularité qu’Offenbach acquiert avec ses opéras-bouffes et ses mélodies gagne le reste de l’Europe, en particulier Vienne, où il produit systématiquement une version allemande de ses œuvres. Sa renommée s’étend aussi outre-Atlantique, et lui vaudra une tournée mémorable aux États-Unis en 1876.

Une dernière décennie en dents de scie

Cet heureux épisode intervient cependant au cours d’une période contrastée pour Offenbach. Les années 1870 marquent en effet un tournant dans la vie politique et culturelle en France : le Second Empire prend fin à la suite de la défaite de Sedan. Un esprit revanchard, galvanisé par la perte de l’Alsace et de la Moselle, gagne toutes les couches de la société française. La Prusse et ses ressortissants sont pris pour cibles, et Offenbach n’est pas épargné. Malgré la Légion d’Honneur et la nationalité française qu’il a obtenues quelques années plus tôt, il se sent persona non grata et quitte Paris, puis la France. À son retour en 1873, il devient directeur du Théâtre de la Gaîté, où il crée ses premiers opéras-fééries (Le Roi Carotte, Le Voyage dans la Lune).

Il meurt en 1880, quelques mois avant la création des Contes d’Hoffmann, qui deviendra l’un des opéras français les plus joués, après Carmen de Bizet. Auteur d’une centaine d’œuvres lyriques, Offenbach s’est indéniablement imposé comme une figure incontournable du Second Empire puis comme un compositeur de référence dans l’histoire de la musique.

Dates-clefs

  • 1819 : naissance à Cologne (Allemagne).
  • 1833 : admission au Conservatoire de Paris, dans la classe de violoncelle.
  • 1850 : nomination comme directeur musical de la Comédie Française.
  • 1855 : création de son propre théâtre, les Bouffes-Parisiens, sur l’avenue des Champs-Elysées.
  • 1858 : création d’Orphée aux enfers, premier opéra-bouffe.
  • 1860 : obtention de la nationalité française.
  • 1873 : prise de fonctions comme directeur du théâtre de la Gaîté.
  • 1876 : tournée aux Etats-Unis.
  • 1880 : décès à Paris.
  • 1881 : première représentation des Contes d’Hoffmann.

 

Sources

 

 

Rédaction de l'article

Pourquoi le hautbois donne-t-il le la ?

Dès les premières minutes d’un concert d’orchestre, vous l’aurez compris : le Crédit Mutuel ne possède pas le monopole du don du la.

Les instrumentistes arrivent sur scène, préchauffent un peu leur instrument, rafistolent peut-être les derniers passages incertains. Soudain, le premier hautbois se lève: silence religieux du public et des musiciens.

Le hautboïste sonne fièrement un la, annonce d’un capharnaüm-prélude au concert, rite naturel et nécessaire.

 

 

Recette simple et rapide pour accorder un orchestre symphonique :

Un accord d’orchestre réalisé dans les règles de l’art se déroule ainsi : 

  1. Le hautbois donne d’abord le la aux vents. Pour les instruments transpositeurs (lien vers un article dédié) qui le préfèreraient, un si bémol sera parfois proposé dans un second temps.
  2. Une fois les vents accordés, le hautboïste communique ce même la au premier violoniste.
  3. Parce qu’il est plus facile d’accorder son instrument par rapport à un timbre proche, c’est le premier violon qui reprend le flambeau et supervise l’accord des cordes, pupitre par pupitre, des plus graves (contrebasses et violoncelles) aux plus aigus (altos et violons).
  4. Ce n’est que lorsque chaque pupitre a amené sa corde de la à la hauteur désirée que les trois autres sont réglées, et que l’ensemble des membres de l’orchestre peaufine son accord.

Le concert est alors prêt à être dégusté.

Ça, ce sont les règles du jeu officielles. Il peut arriver que, par économie de temps, le hautbois livre son la et puis… chacun pour sa peau! 

La première violoniste de la troupe en quête d’un la

Mais pourquoi le hautbois comme référence?

Trêve de suspense : point de certitudes sur le pourquoi du comment du hautbois qui donne le la. Seulement des hypothèses.

L’une d’entre elles voudrait que le timbre bien particulier du hautbois (une clarinette peut éventuellement faire l’affaire en cas de retard du hautboïste), clair et facilement identifiable, permette à chaque musicien de s’y retrouver dans le brouhaha ambiant. 

Une émission plus constante (donc une justesse plus stable) de cet instrument par rapport aux instruments à cordes pourrait aussi expliquer pourquoi ce n’est pas le premier violon (pourtant honoré du titre de Konzertmeister, “maître de concert”) qui met tout l’ensemble d’accord. 

La raison pourrait enfin être géographique : le hautbois se situant plus ou moins au milieu de l’orchestre, il n’a qu’à se tourner vers ses collègues pour leur signifier de suivre sa note. 

Mais est-ce que tout ce spectacle est vraiment nécessaire?

Absolument. Je dirais même plus  : un second accord est parfois nécessaire, après l’entracte ou entre deux longues pièces. 

Les instruments ont en effet une fâcheuse tendance à se désaccorder. Les instruments faits de bois subissent les variations d’hygrométrie et de température, “travaillent” et “bougent”, à la manière des parquets des vieilles maisons. 

Les vents, sont sujets à d’autres lois impénétrables de la physique : à force de souffler dans l’embouchure, la température monte, la hauteur de la note augmente aussi… 

Un orchestre n’est pas juste un rassemblement de musiciens individuels, c’est un ensemble aux couleurs homogènes. Imaginez une seule seconde, si chacun s’accordait de son côté, de façon désordonnée, suivant son propre diapason : ça ferait des grumeaux aux oreilles. La recette donnée plus haut est donc nécessaire, CQFD. 

Enfin, le moment de l’accord est un point de repère. Les musiciens se remettent “dans le son” de l’orchestre, le public se tait, le concert va commencer. 

Pendant ce temps, le chef d’orchestre, resté en coulisses, travaille activement à se faire désirer.

Il finit par pointer son nez… vague d’applaudissements… silence… geste… Bon concert ! 

Sources

 

 

Rédaction de l'article