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Offenbach, c’est quoi ce look ?

 

Est-ce que vous voyez à quoi ressemble Offenbach ? On a mis une photo avec cet article, faites un effort. D’accord, ce n’est pas le vrai Offenbach, mais vous avez saisi l’idée.

Je disais donc, Offenbach. Avec ses petites besicles et ses grands favoris. Peut-être vous êtes-vous déjà demandé pourquoi ce style si reconnaissable ? C’est bien simple : Offenbach était à la pointe de la mode. Enfin, à la pointe de la mode des années 1870, pour un homme d’un certain âge et d’une certaine classe sociale. Car les vêtements et le style n’ont pas attendu notre époque pour séparer les classes, les genres et les âges.

Contexte historique

Le XIXe siècle est marqué par la révolution industrielle. Dans le domaine de la mode et du textile, comme partout ailleurs, on gagne en productivité. La mécanisation de la production de vêtements donne à cette industrie de luxe une dimension plus commerciale et lui ouvre de nouveaux publics.

Avec la baisse des prix due à leurs productions massives, des tissus qui jusqu’ici étaient réservés aux personnes aisées deviennent accessibles. Dentelles, broderies, imprimés… ne sont plus l’apanage de l’élite mais sont à la portée de tous. Cette démocratisation de la mode ouvre de nouveaux débouchés commerciaux pour l’industrie du textile. 

Pour se démarquer de ces nouveaux habits produits en masse, la production de luxe s’appuie sur l’influence de la presse de mode, qui prend son essor, et se distingue par la création de la haute couture, qui vient rendre aux vêtements les lettres de noblesse que la généralisation de la mode leur a fait perdre, en proposant des articles innovants ou rares, et donc plus coûteux.

La mode du XIXe siècle chez la bourgeoisie offenbachienne

Suivant les courants des arts décoratifs, la mode du XIXe réinterprète les styles du passé et s’inspire d’époques révolues, comme l’Antiquité ou la Renaissance, hésitant entre progrès et traditions.

Le costume masculin perd rapidement l’éclat qui caractérisait jusqu’alors l’habillement des hommes du monde. L’oisiveté des nobles n’est plus le modèle à suivre, l’austérité devient synonyme d’élégance. Chez les femmes en revanche, la mode cherche de plus en plus l’opulence, indice de rang et de richesse.

Pour les femmes

Sous les jupons, les crinolines succèdent aux paniers, comme la réussite sociale est marquée par l’ampleur de la jupe. Viendront ensuite les tournures, quand l’esthétique demandera d’accentuer par tous les moyens nécessaires les fesses de ces dames pour souligner le contraste avec la taille, qui se doit d’être aussi fine que possible. Le corset est donc lui aussi un incontournable. Le tout est additionné d’une dose conséquente de fanfreluches et d’accessoires : gants, ombrelles, l’indispensable chapeau…

Les dames doivent changer de tenue plusieurs fois par jour. Une tenue pour la maison, une pour recevoir, une pour sortir, une tenue de soirée… Par économie, la robe à transformations est inventée. Elle permet de passer rapidement d’un type de tenue à l’autre en ne changeant qu’une partie de la robe, souvent le corsage.

Pour les hommes

De leur côté, les costumes de ces messieurs tendent de plus en plus vers les couleurs sombres, par contraste avec ceux des femmes qui sont très colorés. Ils portent un pantalon avec un veston, une jaquette et une redingote, tenue qui évoluera ensuite vers le complet trois pièces. Le chapeau est obligatoire, haut-de-forme si vous êtes un homme du monde. Pour montrer son statut social, une canne à pommeau peut compléter la tenue, et l’on ne lésine pas sur la qualité des boutons de manchettes ou de l’épingle à cravate.

La façon dont la barbe est taillée est aussi un indicateur fiable de l’âge et de la classe sociale de l’homme qui la porte. Pour Offenbach, les moustaches et les favoris correspondent parfaitement à l’image qu’il veut donner au monde. Quant au pince-nez, Offenbach avait tout simplement besoin de ses lunettes ! Les lunettes à branches existaient déjà, mais elles étaient moins populaires et correspondaient moins à l’âge et à la distinction du compositeur.

Qu’en reste-t-il ?

  Aujourd’hui, que nous reste-t-il de la mode de l’époque d’Offenbach ? Heureusement pour tout le monde, la mode féminine s’est beaucoup allégée. Je ne sais pas pour vous, mais j’aurais détesté devoir aller travailler en crinoline. En revanche, le costume masculin de la fin du XIXe siècle existe toujours, sous une forme moderne de plus en plus simplifiée.

Pour retrouver l’ambiance et les vêtements (remixés) de l’époque, il est toujours possible de se pencher sur le steampunk. D’abord genre littéraire trouvant ses inspirations dans certains récits de Jules Verne, comme Vingt mille Lieues sous les mers ou encore De la Terre à la Lune, le steampunk prend de l’ampleur à la fin du XXe siècle et devient une culture à part entière. 

Le steampunk extrapole un futur basé sur les avancées technologiques du XIXe siècle, tout en gardant les codes et l’esthétisme de l’époque victorienne. Présent dans la littérature, le cinéma, le dessin, la musique… le steampunk a ses adeptes, les vaporistes. Férus de Do It Yourself, les vaporistes inventent leurs propres personnages, créent leurs propres costumes, accessoires et décorations, inspirés des vêtements et objets de l’époque.

Si vous êtes curieux et que vous voulez voir de vos yeux à quoi ressemble cette esthétique, il vous faudra parcourir les salons et les rassemblements dédiés au genre, ou simplement à l’imaginaire…

 

SOURCES :

 

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Argument d’Orphée aux Enfers

Acte I

A Thèbes, rien ne va plus entre Orphée – poète et musicien de son état – et son épouse Eurydice. La belle nymphe gambade à travers les champs, cueillant des fleurs pour les offrir à Aristée, le berger joli dont elle est éprise. Mais l’époux survient et la dispute éclate. La séparation semble inévitable mais Orphée, inquiet de sa réputation, ne peut accepter cette solution : le couple doit demeurer uni. Néanmoins jaloux, Orphée annonce sa double vengeance. Il a semé des pièges dans les prés afin de punir l’amant. Pire encore, il oblige sa pauvre épouse à écouter un interminable concerto pour violon de sa composition ! Eurydice fuit avertir Aristée des manigances du mari cocu. Le berger, curieusement, ne semble pas craindre la mort. Dans un geste héroïque, Eurydice décide de sacrifier sa vie pour périr avec celui qu’elle aime. C’est alors qu’Aristée révèle sa véritable identité : il s’agit en réalité de Pluton. Le dieu des Enfers conduit la défunte Eurydice vers les sombres bords du Cocyte, tandis que l’époux vient constater son veuvage. Enfin libre ! Orphée n’a pourtant guère le temps de se réjouir. L’Opinion Publique, omnisciente et impitoyable, vient rappeler ses devoirs au poète. L’honneur passe avant l’amour et Orphée doit aller récupérer sa femme aux Enfers. De mauvaise grâce, il entame son périple.

Acte II

Sur le mont Olympe, la demeure des dieux, rien ne va plus. Les dieux s’ennuient ferme. Certains trompent leur désœuvrement par des escapades nocturnes ou en allant s’encanailler avec de vulgaires mortels. Jupiter a bien du mal à exercer son autorité et à maintenir un semblant de dignité chez les divinités. Pour ne rien arranger, des rumeurs circulent quant à l’enlèvement récent d’une jeune nymphe. Les soupçons se portent naturellement sur le plus infidèle des Dieux : Jupiter, dont le bodycount remplit des registres entiers qui vont bien au-delà de « mille e tre ». Mercure arrive à temps pour rétablir la vérité : le coupable ravisseur, c’est Pluton ! Le maître des Enfers est convoqué et contraint de s’expliquer. Le dieu nie, le ton monte. Et toute l’Olympe se met à retentir d’une clameur furieuse. C’est la révolte, le règne de Jupiter a assez duré ! Au milieu de tout ce vacarme, Orphée et l’Opinion Publique viennent demander audience. Le poète se lamente du mieux qu’il peut. On a ravi son Eurydice ; il faut que l’épouse soit restituée à l’époux. Pluton est contraint d’avouer. Et Jupiter va se charger lui-même d’aller récupérer l’objet du rapt. Pour l’occasion, tout l’Olympe l’accompagnera. Ravis d’avoir enfin un peu d’animation, les dieux cessent la révolte et chantent désormais les louanges de Jupin tout en se préparant à la descente aux Enfers.

Acte III

Aux Enfers, rien ne va plus. Eurydice, qui croyait que la mort allait enfin égayer son existence, se trouve bien marrie de voir que les profondeurs infernales ne sont guère plus amusantes que son mari. Il faut dire qu’elle n’a pour seule compagnie qu’un geôlier aussi bête que libidineux : John Styx, ex-roi de Béotie. Jupiter et Pluton arrivent aux Enfers et on a tout juste le temps de cacher Eurydice au fond d’un placard. À défaut de flagrant délit, on entame tout de même le jugement de Pluton. Le tribunal corrompu n’aboutit pas à la sentence espérée par Jupiter. Le maître de la foudre ne sait plus quoi faire. Heureusement, Cupidon est là pour sauver la situation. Il lance une horde d’amours-policiers à la recherche de la disparue et transforme l’apparence de Jupiter, pour lui permettre de surmonter les obstacles le séparant d’Eurydice. C’est donc sous les traits d’une mouche chatoyante que Jupiter parvient enfin à se glisser par le trou de la serrure et à rejoindre la belle. Eurydice est sous le charme du bel insecte aux ailes dorées. Le charme grandit encore davantage lorsque Jupiter, redevenant lui-même, expose toute l’étendue de sa majestueuse divinité. Les deux tourtereaux s’échappent, poursuivis par Pluton et Styx.

Acte IV

Décidément rien ne va plus nulle part ! Alors que le vin coule à flots aux Enfers, et qu’on célèbre Pluton le propriétaire des lieux, qui fait goûter aux dieux cette liqueur plus festive que l’ambroisie, Eurydice, déguisée en bacchante, se mêle à la foule ivre-morte qui danse à n’en plus finir des menuets et des galops en roulant sous les tables. Mais Eurydice est vite démasquée. Jupiter et Pluton se disputent les faveurs de la jeune défunte. On entend soudain le son doux et plaintif du violon. C’est Orphée, l’époux légitime, qui vient récupérer son « aimée ». Tous doivent céder et Eurydice est rendue à Orphée. À la condition, toutefois, qu’il ne se retourne pas vers elle lorsqu’ils graviront les marches menant à la terre ferme. Le plan fonctionne trop bien et Jupiter déclenche sa foudre divine pour provoquer le sursaut et le retournement d’Orphée. Eurydice n’appartiendra donc plus à Orphée. Pas plus qu’à Pluton d’ailleurs, car Jupiter achève la transformation de la nymphe en bacchante. Sous l’œil consterné de l’Opinion Publique, tout s’achève par un dernier cancan infernal.

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Référence Offenbach

 

Quand on vous dit “Offenbach”, en fonction de votre âge, de votre culture et de tout un tas d’autres critères plus ou moins pertinents, vous ne pensez pas forcément à la même chose. Pareil pour certains titres ou certaines musiques. Moi par exemple, quand on me dit “Nothing Else Matters”, je pense à Apocalyptica, pas à Metallica. Alors qu’en est-il d’Offenbach et de l’héritage qu’il a laissé derrière lui ? Revenons un peu sur ce qui se cache dans ses œuvres et sur ce que la postérité a retenu.

 

Les références dans Offenbach

Offenbach ne m’en voudrait pas d’utiliser le mot “référence” quand toutes ses œuvres en sont pleines. Ainsi, il aimait bien faire des clins d’œil aux écrits de Jules Verne, l’exemple le plus parlant étant sans doute Le Docteur Ox, une libre adaptation de la nouvelle éponyme de Jules Verne.

D’autres références à des auteurs ou à des romans se cachent dans ses opérettes. De cette façon, le nom de Gérolstein vient des Mystères de Paris, un roman d’Eugène Sue ; le personnage de la Périchole est empruntée à une pièce de théâtre de Prosper Mérimée, Le Carrosse du Saint-Sacrement ; ou encore plusieurs personnages de Madame l’archiduc correspondent presque exactement à ceux de La Chartreuse de Parme de Stendhal.

On trouve aussi chez Offenbach de très nombreuses reprises et parodies de célèbres airs d’opéras ou de fameux compositeurs. En hommage à Mozart, il cite, trois tons plus haut, l’entrée des masques de Don Giovanni pour accompagner l’entrée masquée de plusieurs personnages de La Vie Parisienne. Et quand il ne s’attaque pas aux grands airs, il s’en prend aux ritournelles populaires ! On peut entendre “il pleut, il pleut, bergère” en mineur dans Barbe-Bleue ou encore “elle aime à rire, elle aime à boire” dans Madame Favart.

On peut donc affirmer avec peu de risque de se tromper qu’Offenbach aimait les références, il en mettait partout. Il lui arrivait même d’en faire à ses propres œuvres ! Par exemple, il réutilise plusieurs fois des fragments de son ballet Le Papillon dans ses autres œuvres : Les Fées du Rhin, Le Roi Carotte, Orphée aux Enfers ou encore Les Contes d’Hoffmann. Aussi ne se retournera-t-il pas dans sa tombe si je parle maintenant des références, à ses compositions ou à son personnage, qui existent encore aujourd’hui.

 

Les références à Offenbach

Pour beaucoup, Offenbach est un nom lointain, voire inconnu. Pourtant, on peut le retrouver, lui et ses musiques, aux endroits les plus insolites et dans les noms les plus connus. Saviez-vous, par exemple, que lorsque vous commandez une poire Belle-Hélène au restaurant, c’est Auguste Escoffier qu’il faudrait remercier, et qu’il aurait nommé ce dessert d’après l’œuvre d’Offenbach ? Bon, évidemment, la question qui se pose c’est : pourquoi une poire et pas une pomme ?

La Belle Hélène est un best-seller. Elle a eu droit, comme Les Contes d’Hoffmann, à son adaptation en ballets, par Manuel Rosenthal et Louis Aubert en 1957 ; Emile Zola fait chanter (faux) des extraits de cette pièce à son personnage Nana dans le roman éponyme ; et même notre troupe s’est laissée conquérir, puisque le nom Oya Kephale vient des paroles de l’opéra-bouffe et veut dire “quelle tête !”. D’autres œuvres ont eu (presque) autant de succès, avec des adaptations de toutes sortes, comme La Périchole qui est adaptée en comédie musicale par Jérôme Savary en 1999.

Offenbach, c’est aussi un astéroïde, un groupe de rock et blues québécois, et Ofenbach est un groupe d’électro français. Vous ne pourrez plus dire que vous ne le saviez pas. Quant à la tristement célèbre salle de concert du Bataclan, elle a été nommée en hommage à la pièce Ba-ta-clan d’Offenbach.

Ok, on a fait le nom, on fait les œuvres, mais… et ses musiques, à Offenbach ? Il en reste quelque chose ? Un peu, mon n’veu ! On lui doit une des musiques françaises les plus connues au monde, j’ai nommée… le French Cancan ! Et oui, vous avez bien lu. À l’origine, l’air du French Cancan est celui du Galop Infernal d’Orphée aux Enfers. Improbable ? Pas tant que ça. J’ai mieux. Figurez-vous que les Marines américains chantent aussi du Offenbach. Si, si, je vous assure. Les Couplets des deux hommes d’armes de Geneviève de Brabant sont devenus The Halls of Montezuma, l’hymne officiel de l’US Marine Corps.

Ce ne sont pas les seuls morceaux d’Offenbach qui ont été réutilisés à toutes les sauces. La Valse des Rayons du ballet Le Papillon est devenue La Chaloupée, dansée au Moulin Rouge. Et je ne compte même plus le nombre de reprises de la barcarolle des Contes d’Hoffmann.

 

Le sachiez-vous ?

Des références, on a dit qu’il y en avait partout. Alors si cela vous amuse, vous pouvez essayer de toutes les débusquer ! Pour commencer cette quête de toute une vie, quelques questions profondes : 

  • Si je vous dis Tintin et Offenbach, est-ce que vous voyez le rapport ? Si ce n’est pas le cas, demandez donc au Capitaine Haddock ce qu’il pense des carabiniers
  • J’ai parlé de la barcarolle. Est-ce que vous connaissez un film dans lequel on peut l’entendre ? Et si je vous dis que la vie est belle ?
  • À part La Belle Hélène et Les Contes d’Hoffmann, pouvez-vous citer une pièce d’Offenbach qui a été adaptée en ballets ? Allez, je vous laisse chercher, pour celle-là.
  • On a aussi parlé des références qu’Offenbach faisait à ses propres œuvres. Il y en a tout un tas, vous verrez, et c’est très intéressant de voir quelles sont les musiques qu’il a choisi de réutiliser… Bonne chance pour toutes les retrouver !

 

Sources :

 

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La musique dans Orphée aux Enfers

« C’est l’avènement de l’opérette de grand opéra, c’est le nouvel opéra-bouffe français », lit-on dans le journal Le Ménestrel lors de la reprise d’Orphée aux Enfers au théâtre de la Gaîté, en 1874[1]. À en croire ce compte rendu, l’ouvrage, étendu à quatre heures de spectacle, inaugure par ses dimensions un nouveau genre lyrique digne de ceux joués à l’Opéra de Paris. Dès la première version plus brève de 1858, Offenbach repousse les limites imposées à l’opéra-bouffe : ayant obtenu la même année le droit de représenter dans son théâtre des ouvrages de plus d’un acte et avec plus de quatre personnages, le compositeur multiplie les rôles et les numéros musicaux, quitte à corriger sur-le-champ des longueurs soulignées par son public. La question des dimensions est pourtant vite éclipsée dans la presse contemporaine par un aspect non moins central : la dégradation burlesque d’un sujet mythologique. Dans Orphée aux Enfers, Offenbach n’élargit le cadre de l’opérette que pour mieux tourner en dérision celui de l’opéra.

Une opérette grand format…

La chatte métamorphosée en femme, dernière œuvre en un acte composée par Offenbach avant Orphée, comprenait huit numéros chantés par une soprano, une mezzo, un ténor et un baryton. L’« opéra bouffon » créé six mois plus tard présente deux actes et quatre tableaux formés de seize numéros, pour quatorze rôles et un chœur. Par rapport à la version « opéra-féerie » de 1874, en quatre actes, douze tableaux et trente numéros pour quarante-deux personnages, un corps de ballet et cent choristes, c’est encore peu.. C’est d’ailleurs cette seconde mouture qui a été retenue par Oya Kephale à quelques coupes près. Quoi qu’il en soit, un nouveau format se met en place dès 1858 : les passages chantés sont plus nombreux et les caractères vocaux se diversifient.

Offenbach n’abandonne pas pour autant les canevas employés dans la trentaine d’ouvrages en un acte composés avant Orphée . Parmi les numéros musicaux qui alternent avec  les dialogues parlés figurent notamment des airs intitulés « couplets » : dans l’esprit d’une chanson, le personnage chante deux ou trois couplets conclus par un refrain, lequel peut désormais être repris par le chœur. Démultiplication des rôles oblige, ces airs sont particulièrement nombreux et variés dans Orphée. Certains présentent un grand nombre de couplets, comme le « Rondeau des métamorphoses » de l’acte II, où l’assemblée de l’Olympe rapporte les manigances amoureuses de Jupiter : pas moins de six interventions  se succèdent sur une musique identique. Comme souvent dans cette forme simple, l’enthousiasme est provoqué aussi bien par le jeu théâtral des interprètes, que par des éléments inattendus dans le texte, comme une onomatopée — « Ah ! ah ! ah ! » — ou une manière  comique de le prononcer, comme une articulation très rapide des mots : « Ne prends plus l’air patelin : on connaît tes farces, Jupin ! » Dans les couplets de Cupidon à l’acte III, ce sont même des bruits de baiser qui font office de refrain.

Ces airs à couplets peuvent être intégrés à des numéros plus vastes qui participent à la progression de l’action. Les finales d’acte s’apparentent ainsi à de véritables patchworks musicaux. À partir de pièces cousues les unes aux autres, dont la succession relance constamment l’intérêt du public, Offenbach s’ingénie à bâtir de grands crescendos rythmés par des accélérations, pour aboutir à des tuttis endiablés. De ce point de vue, la comparaison des versions de 1858 et de 1874 nous ouvre l’atelier du compositeur. Le premier Orphée aux Enfers est en deux actes, composés chacun de deux tableaux – qui formeront eux-mêmes des actes dans la version plus tardive retenue par Oya Kephale. Ainsi, le finale du premier acte de 1874 n’était en 1858 qu’un simple numéro à la fin du premier tableau : il s’agissait du duo d’Orphée et de l’Opinion publique (« Viens ! c’est l’honneur qui t’appelle »). Pour en faire une fin d’acte digne de ce nom, Offenbach lui ajoute le chœur, et le fait précéder d’une série de nouveaux morceaux enchaînés les uns aux autres, dont un air pour l’Opinion publique (« C’est l’Opinion publique »).

L’ouverture, elle aussi, est considérablement développée en 1874 pour devenir une « Promenade autour d’Orphée ». De fait, l’écoute s’apparente bel et bien à une déambulation dans la partition : les principaux thèmes de l’opéra sont présentés  selon le principe du « pot-pourri », en commençant par « L’Hymne à Bacchus » pour se conclure par un fragment du célébrissime « Galop infernal ». En l’occurrence, Offenbach ne reprend ici que des extraits déjà composés en 1858, autrement dit des mélodies que son public connaît par cœur : c’est un peu comme si une version restaurée d’un film commençait par sa propre bande-annonce. Plus loin dans la nouvelle version, dans « L’air en prose de Pluton » à l’acte II, le compositeur glisse d’ailleurs une autre allusion au « Galop », comme pour mieux faire attendre l’arrivée du thème complet à la fin du spectacle. À toutes ces amplifications de la partition, il faudrait ajouter aussi les ballets qui n’ont pas été retenus dans notre version, ou encore un tableau supplémentaire plus tardif (et finalement rejeté par Offenbach) consacré au royaume de Neptune — on y voyait notamment danser des crevettes. Comme l’indique le titre de sa deuxième version, l’« opéra-bouffon » de 1858 devient un « opéra-féerie », un spectacle où la magnificence visuelle et les effets scéniques en tous genres sont à l’honneur.

… ou une parodie d’opéra ?

Insister sur l’élément spectaculaire dans Orphée aux Enfers ne doit pas nous faire oublier qu’il s’agit d’une œuvre destinée d’abord à faire rire. Si le jeu scénique joue ici un rôle essentiel — les acteurs et les actrices du temps d’Offenbach n’hésitaient pas à agrémenter les répliques de leurs propres calembours — la composition musicale regorge, elle aussi, de ressorts comiques.

Héros d’opéra par excellence, incarnation du pouvoir de la voix et d’une expressivité authentique, Orphée bascule chez Offenbach dans la parodie. Le personnage mué en professeur de violon ne s’exprime plus qu’en serinant des formules toutes faites, qu’il s’agisse des poncifs d’un concerto romantique dans le « Duo du concerto » dans l’acte I, ou plus tard d’une citation directe de l’Orphée et Eurydice de Gluck.  (voir plus haut « Introduction à l’œuvre »). — dont la version française date de 1774. À la fin de l’acte II en effet, le héros entonne le célèbre refrain « J’ai perdu mon Eurydice », devenu ici « On m’a ravi mon Eurydice », devant Jupiter ; la référence est d’autant plus détournée que le héros ne réclame son épouse qu’à contrecœur.

Les ressources de la citation, que ce soit pour établir une connivence avec le public ou pour instaurer un décalage, sont largement exploitées par le compositeur. À l’acte II, dans le « Chœur de la révolte » et par allusion dans le « Rondeau des métamorphoses » qui suit, c’est La Marseillaise qui accompagne le mécontentement des dieux.  Pour un spectateur de 1858 sous le Second  Empire ou même de 1874 sous la Troisième République, il s’agit d’abord d’un chant révolutionnaire : hymne national sous la Convention, La Marseillaise ne retrouvera ce statut qu’en 1879. Dans la scène d’Offenbach, le rire doit tout autant à l’anachronisme qu’aux revendications triviales des personnages : « Plus de nectar, cette liqueur fait mal au cœur ».

Ailleurs, la parodie musicale se passe de citations directes. Pour dépeindre le monde de Pluton dans le chœur qui ouvre l’acte IV, Offenbach recourt à des codes musicaux bien connus de ses contemporains, associés indifféremment aux Enfers mythologiques et à l’Enfer chrétien dans les opéras du répertoire : trémolos des cordes dans le grave, accords dissonants joués fortissimo, et surtout emploi du son infernal entre tous, celui du piccolo, le plus aigu des instruments de l’orchestre. Quelques années plus tôt, dans son Grand traité d’instrumentation, Berlioz avait noté tout le potentiel « violent », « féroce », « diabolique » de la petite flûte dans les opéras de Weber, Gluck ou encore Spontini[2]. Offenbach, qui en use lui-même régulièrement pour apporter du brillant à son orchestre, s’en sert ici pour creuser un écart strident avec le grave des contrebasses et des timbales : le résultat pourrait être effrayant s’il n’était associé aux calembours du livret — « si l’on comprend la vie, amis, c’est en enfer ».

L’orchestre, de fait, peut lui-même se faire bouffon. En 1858, contraint par la taille de son théâtre, Offenbach disposait d’un ensemble réduit, sans second hautbois ni second basson, ensemble dont il est néanmoins parvenu à tirer des couleurs insolites. Au début du très licencieux « Duo de la mouche » dans l’acte III, le bourdonnement de l’insecte est suggéré aux cordes et notamment à l’alto par un trémolo joué au niveau du chevalet : la sonorité grinçante obtenue est rendue plus étrange encore par la flûte qui joue dans son registre grave, peu employé dans l’orchestration classique. Cette peinture sonore du plus prosaïque des animaux est une merveilleuse trouvaille d’orchestration qui contribue au grotesque de la scène

Après les Orphée de 1858 et de 1874, où se situe finalement celui de 2025 ? Partir de la version de 1874 comme le fait Oya Kephale permet de conserver la verve de l’opéra bouffe d’origine, tout en profitant du chœur du « Conseil municipal de la ville de Thèbes », du « Rondo-saltarelle » de Mercure ou des « Couplets des baisers » de Cupidon ajoutés par Offenbach pour la reprise — car pourquoi s’en priver ? Des quatre heures de l’« opéra-féerie », cependant, tout n’a pas été conservé par Oya Kephale, ni d’ailleurs par la plupart des interprètes antérieurs. Opposer les versions de 1858 et de 1874, ce n’est jamais que se limiter aux deux partitions éditées : du vivant d’Offenbach déjà et aujourd’hui encore, que ce soit pour des raisons de goût, de durée du spectacle ou d’autres contingences matérielles, l’œuvre n’a jamais cessé d’être remaniée et aménagée, pour nous surprendre toujours davantage.

 

Sources

  • Rémy Campos, « Commentaire musical », dans L’Avant-Scène Opéra, n° 185 « Orphée aux Enfers », 1998, p. 8-67.
  • Adélaïde de Place, « Orphée aux Enfers », dans Joël-Marie Fauquet (dir.), Dictionnaire de la musique en France au xixe siècle, Paris, Fayard, 2003.
  • Piotr Kaminski, Mille et un opéras, Paris, Fayard, 2003.
  • Jean-Claude Yon, Jacques Offenbach, Paris, Gallimard, 2000.

[1] H. Moreno, « Nouvelles », Le Ménestrel, vol. 40, n° 11, 15 février 1874, p. 85. « H. Moreno » est le pseudonyme d’Henri Heugel qui n’est autre que l’éditeur d’Offenbach.

[2] Hector Berlioz, Grand traité d’instrumentation et d’orchestration modernes, Paris, Henri Lemoine, 1855 [1844], p. 158-166.

Le livret d’Orphée aux enfers

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Livret d’Hector Crémieux et Ludovic Halévy
Adaptation d’Emmanuel Ménard

Musique de Jacques Offenbach

 

PERSONNAGES

  • L’Opinion publique, soprano

  • Eurydice, soprano

  • Orphée, tenor

  • Aristée-Pluton, tenor

  • Jupiter, baritone

  • John Styx, tenor

  • Vénus, soprano

  • Cupidon, mezzo soprano

  • Mars, baryton

  • Diane, soprano

  • Junon, soprano

  • Mercure, tenor

  • Un Licteur (prologue), tenor

  • Un huissier (tableau 3), parlé

  • Minos, tenor

  • Eaque, tenor

  • Rhadamante, baryton

  • Cerbère x3 parlé

 

 

Acte I

PROLOGUE

N°1 CHOEUR DES BERGERS ET SCENE DU CONSEIL MUNICIPAL

Les Bergères
Voici la douzième heure, que chacun retourne en sa demeure
Allons, rentrons nos blancs moutons.


Les Bergers
Voici la douzième heure, retournons en notre demeure
Allons, rentrons nos blancs moutons 


Un Licteur
Place, place au conseil municipal qui passe, qui passe. 


Tous
Place, place!

Entrée du conseil municipal


Le Conseil
Conseil municipal de la ville de Thébes,
nous sommes les gardiens du bonheur pastoral,
nous soignons les enfants, dirigeons les éphèbes,
bref, nous sommes un bon conseil municipal. 


Le Choeur
Honneur, honneur à  nos doyens !
Honneur, honneur à  nos anciens ! 


Le Conseil
Merci merci, mes chers enfants,
vos anciens de vous sont contents. 


Le Choeur
Honneur, honneur à  nos doyens !
Honneur, honneur à  nos anciens ! 


Le Conseil
Vos anciens de vous etc.
(L’Opinion Publique paraît )

Un Licteur
(Parlé) L’Opinion Publique !

L’Opinion Publique
(Parlé) Qui je suis ? – du théâtre antique
J’ai perfectionné le choeur,
Je suis l’opinion publique,
Un personnage symbolique,
Ce qu’on appelle un raisonneur.
Le choeur antique en confidence
Se chargeait d’expliquer aux gens
Ce qu’ils avaient compris d’avance,
Quand ils étaient intelligents.
Moi, je fais mieux. J’agis moi-même ;
Et prenant part à l’action,
De la palme ou de l’anathème
Je fais la distribution.
Que prenne garde à moi la femme
Qui voudrait tromper son époux,
Et que se garde aussi l’époux
Qui ferait des traits à sa femme !…
C’est aux personnages du drame
Que je parle, rassurez-vous !
Voici venir notre Eurydice ;
Je pars : mais je suis toujours là,
Prêt à sortir de la coulisse,
Comme un deus ex machina !

L’Opinion exit.

Le Conseil
Conseil municipal de la ville de Thébes,
nous sommes les gardiens du bonheur pastoral,
nous soignons les enfants, dirigeons les éphèbes,
bref, nous sommes un bon conseil municipal. 

 

Scène 1

N°2 COUPLETS DU BERGER JOLI

Eurydice

La femme dont le coeur rêve
N’a pas de sommeil ;
Chaque jour elle se lève
Avec le soleil.
Le matin de fleurs plus belles
Les prés sont brodés :
Mais ces fleurs, pour qui sont-elles ?
Vous le demandez ?
Pour qui ?
N’en dites rien à mon mari,
Car c’est pour le berger joli
Qui loge ici.
Chaque jour ainsi j’apporte,
Au berger galant,
De beaux bleuets, qu’à sa porte
J’accroche en tremblant,
Et mon pauvre coeur palpite,
A bonds saccadés…
Pour qui donc bat-il si vite ?
Vous le demandez ?
Pour qui ?
N’en dites rien à mon mari,
Car c’est pour le berger joli
Qui loge ici.

Orphée paraît par l’ascenseur.

 

Scène 2

Eurydice
Il est sorti !… je veux qu’en rentrant il trouve son studio semé de fleurs.

Orphée

Que vois-je !… n’est-ce pas la nymphe Nabila, la belle nymphe que j’adore ? Seule.

Révélons ma présence par ce trait qu’elle aime tant.

Eurydice
Mon mari !…

Orphée
Ma femme !… imbécile !… dépêchons-nous de crier avant qu’elle ne commence… ah ! Je vous y prends, Madame.

Eurydice
A quoi, je vous prie ?

Orphée
A quoi ?… Mais à qui donc apportiez-vous ces fleurs, s’il vous plaît ?

Eurydice
Ces fleurs ?… euh… au vent, au bonheur !… et vous, mon tendre ami, à qui jetiez-vous ce chant passionné de votre… crin-crin ?

Orphée
Euh… aux muses…

Eurydice
Fort bien ! Savez-vous ce que je conclus de tout cela, mon bon chéri ?… C’est que si j’ai mon berger, vous avez votre bergère… eh bien ! Je vous laisse votre bergère, laissez-moi mon berger.

Orphée
Allons ! Madame, cette proposition est de mauvais goût !…

Eurydice
Pourquoi donc, je vous prie ?

Orphée
Parce que… parce que… tenez ! Vous me faites rougir !

Eurydice
Ah ! Mais, c’est qu’il est temps de s’expliquer, à la fin ! Il faut qu’une bonne fois je vous dise votre fait, maître Orphée, mon chaste époux, qui rougissez ! Apprenez que je vous déteste ! Que j’ai cru épouser un artiste et que je me suis unie à l’homme le plus ennuyeux de la création. Vous vous croyez un aigle, parce que vous avez inventé les vers hexamètres !… Mais c’est votre plus grand crime à mes yeux !… Est-ce que vous croyez que je passerai ma jeunesse à vous entendre réciter des songes classiques et racler votre exécrable instrument ?…

 

Orphée
Mon violon !… Ne touchez pas cette corde, madame !

Eurydice
Il m’ennuie, comme vos vers, votre violon !… Allez charmer de ses sons les bergères de troisième ordre dont vous raffolez. Quant à moi, qui suis fille d’une nymphe et d’un demi-dieu, il me faut la liberté et la fantaisie !… J’aime aujourd’hui ce berger, il m’aime ; rien ne me séparera d’Aristée !

N°3 : DUO DU CONCERTO

Orphée
Ah ! C’est ainsi ?

Eurydice
Oui, mon ami.

Orphée
Tu me trompes, comme mari ?

Eurydice
Oui, mon ami !…

Orphée
Tu me dédaignes, comme artiste !

Eurydice
Oui, mon ami !

ORPHEE
Tu n’aimes pas le violoniste !

Eurydice
Non, mon ami !
Le violoniste
Me paraît triste,
L’instrumentiste
Est assommant,
Et l’instrument
Me déplaît souverainement.

Orphée
Ah ! De ton insolence
Je vais tirer vengeance.

Eurydice
Et comment, je vous prie ?

Orphée
Je vais, ma tendre amie,
Vous jouer aussitôt
Une oeuvre de génie :
Mon dernier concerto.

Eurydice
Grâce, je t’en supplie…

Orphée
Non, non, pas de retard,
C’est le comble de l’art :
Il dure une heure un quart !

Eurydice
Miséricorde, une heure un quart !
Je n’écouterai pas.

Orphée
Si, tu m’écouteras.

Eurydice se bouche les oreilles avec désespoir.

Ensemble

Orphée
C’est adorable,
C’est délectable,
C’est ravissant,
C’est entraînant.

Eurydice
C’est déplorable,
C’est effroyable,
C’est assommant,
C’est irritant.

Orphée
Ecoutez encor ce motif
Charmant, langoureux, expressif.
Quel charmant concerto !

Eurydice
Ah ! C’est horrible,
Ah ! C’est terrible.

Orphée
Quel tremolo !
Presto, presto, largo, largo,
Pizzicato… amoroso….agitato….

Eurydice
Ah, seigneur, Ah! quel supplice

C’est fini le voilà parti!

O Vénus, sois-moi propice !
Délivre-moi de mon mari.

(parlé)
Vénus, ma belle déesse, délivre-moi de mon aimable Orphée,
Et je t’immolerai dix brebis plus blanches que le lait !


Orphée
Jupiter, mon maître, délivre-moi de ma tendre Eurydice, et je chanterai tes louanges sur ma lyre à quatre cordes.

(à Eurydice.) Madame, je ne me fais aucune illusion sur le sort qui m’attend ! Quand une femme en est arrivée à ce degré d’audace, il est parfaitement inutile d’essayer de la remettre dans la bonne voie…

Eurydice
A la bonne heure ! Séparons-nous donc !

Orphée
Je le ferais de bon coeur, si cela ne devait pas nuire à ma considération et à la position que je me suis faite par mon talent et mon travail. Je suis esclave de l’opinion publique : c’est ma seule faiblesse, laissez-la-moi. J’ai besoin du Monde… et de Star Inside…, je ne veux pas les heurter.

Mais je me suis mis en tête de pourfendre chacun de vos adorateurs…

Eurydice
Avec votre archet ?

Orphée
Non, madame. Je crois inutile de vous apprendre le moyen que j’ai choisi pour attraper le maraudeur…

Qu’il vous suffise de savoir ceci : je ne lui conseille pas de fouiner dans les herbes que voilà, comme il le fait habituellement.

Eurydice
Et qui l’en empêchera ?

Orphée
Qui ?… certaine surprise que j’y ai semée à son intention…

Eurydice
Que voulez-vous dire ?

Orphée
Rien de plus ! Je vais travailler à mes prochaines compositions… Adieu, bibiche… Petite surprise semée pour lui, là… Faites attention… adieu !

Il sort.

 

Scène 3

Eurydice
Que veut-il dire avec sa petite surprise semée dans les herbes ?… C’est que ce vilain homme est capable de tout !… Quelque piège peut-être ! Et Aristée qui vient piocher dans ces herbes avant de folâtrer avec moi ! Courons au-devant de lui !… Le malheureux se ferait faire du mal !… Courons !…

Elle s’engouffre dans le studio. Au même instant, Aristée paraît.

 

Scène 4

ARISTEE

N°5 CHANSON D’ARISTEE

Récitatif.

Moi, je suis Aristée, un berger d’Arcadie,
Un fabricant de miel, ivre de mélodie,
Sachant se contenter des plaisirs innocents
Que les dieux ont permis à l’habitant des champs !
Voir voltiger sous les treilles,
Entre terre et ciel,
Les essaims de mes abeilles
Butinant leur miel ;
Voir le lever de l’aurore,
Et, chaque matin,
Se dire : je veux encore
Le revoir demain.
Voilà la fête
D’une âme honnête,
Le vrai bonheur
D’un tendre coeur !
Ah ah !
Voir bondir dedans la plaine
Les petits moutons,
Accrochant leur blanche laine
A tous les buissons !
Voir sommeiller la bergère,
Tandis qu’à pas lents,
Le berger qu’elle préfère
Vient et la surprend !
Voilà la fête
D’une âme honnête,
Le vrai bonheur,
Du coeur !
Ah ah!

(Parlé, regardant avec précaution autour de lui.)
Voilà ce que je dis aux personnes, ce que je dis devant le monde, pour inspirer de la confiance !… Mais si vous saviez qui je suis en réalité, et quels projets infernaux je médite !… Si l’idée que j’ai soufflée à Orphée réussit, je crois que c’est aujourd’hui que nous frapperons un grand coup ! Voici la tendre Eurydice !

EURYDICE (revenant)

Ah! Le voici ! J’arrive à temps !

Aristée, mon beau berger, prends garde ! Ne bouge pas !

ARISTÉE

Comment, ne bouge pas !

EURYDICE

Aristée ! Au nom de mon amour, n’approche pas !

ARISTÉE

Comment ?

EURYDICE

Mon mari sait tout ! Il nous aura espionnés ! Et il a semé des pièges dans ces herbes, des serpents, peut-être.

ARISTÉE (à part)

Est-il bête, l’animal ! Il veut me surprendre et il me fait prévenir ! Réparons sa maladresse. (haut) Allons donc ! Regarde comme je me moque de ses reptiles, regarde

(Il fourrage dans les herbes.)

EURYDICE

Aristée ! Ton amour et ton courage t’emportent ! Aristée ! Tu cours à la Mort !

ARISTÉE

Il n’y a pas de danger !

EURYDICE

Eh bien, alors, je veux mourir avec toi !

ARISTÉE

(Plongeant les mains d’Eurydice dans les herbes)

Allons donc!

EURYDICE
Aïe !

ARISTEE
Ca y est !…

EURYDICE
Mon dieu, qu’est-ce que j’éprouve ?

ARISTEE
Pluton, redeviens toi-même ! Une ! Deux ! Trois ! (Ses trois sbires apparaissent, le débarrassant de son costume de berger et lui donnant ses vêtements de dieu des enfers.) Et maintenant, désorganisons les éléments (la lumière baisse brusquement. Déçu du résultat). Chez moi, voilà comme on désorganise les éléments.

EURYDICE
Dieu puissant ! Est-ce que je vais mourir ?

ARISTEE
Entièrement !… lasciate ogni speranza !…

EURYDICE
Et cependant je ne souffre pas…

ARISTEEbas.
Je t’expliquerai pourquoi…

EURYDICE
C’est étrange !…

ARISTEE
C’est logique…

N°6 INVOCATION A LA MORT

EURYDICE

I
La mort m’apparaît souriante
Que vient me frapper près de toi…
Elle m’attire, elle me tente…
Mort, je t’ appelle… emporte-moi ! ..

II
Mort, ton ivresse me pénètre !
Ton froid ne me fait pas souffrir ;
Il semble que je vais renaître,
Oui, renaître, au lieu de mourir !…
Adieu !… adieu !…

ARISTEE
Crac !… ça y est !… une larme !… une larme ! Et partons ! Avant de partir, abusons de notre divinité pour jeter un dernier défi au mari… (Il fait signe vers Eurydice, qui se redresse comme une somnambule. Pluton guide ses bras comme un marionnettiste et la fait écrire.)

Je quitte la maison
Parce que je suis morte,
Aristée est Pluton,
Et le diable m’emporte.

Pluton baisse les bras, Eurydice s’effondre.

La rime n’est pas riche !… mais la richesse ne fait pas le bonheur ! Et maintenant, aux sombres bords !

Il disparaît.

 

Scène 5

Orphéerentrant par l’ascenseur
Ah ça ! Que diable y a-t-il donc de dérangé là-haut ? Je reviens à peine de répétition et j’arrive déjà en pleine nuit ! Je n’ai pas encore dîné, et voici déjà l’heure du souper. Que veut dire cette perturbation ? A moins qu’il n’y ait une éclipse ?

Par Jupiter !… que veut dire ceci ?… l’écriture de ma femme !… (il lit.)

Je quitte la maison
Parce que je suis morte,
Aristée est Pluton,
Et le diable m’emporte.
(Il s’effondre)
Comment, elle est morte !… ce n’est pas possible ! Mais si !… elle est bien morte !… puisqu’elle l’écrit elle-même !

Oh merci !… Merci, Jupin !… (il regarde avec inquiétude autour de lui) Quelqu’un !… mais non, personne !… je puis me livrer à ma joie !!!

Scène 6

N°7 FINALE

Orphée

Libre ! ô bonheur ! ô joie extrême !

Courons apprendre ce bonheur à la nymphe que j’aime !

 

Le Choeur

Anathème, anathème, sur celui qui sans pitie, anathème, anathème, refuse une larme même à sa moitié.

Orphée

Etranges cris !

Le Choeur

Anathème, etc.

Orphée

Encore ces voix ! De tous les côtés à la fois ! Quel phénomène d’acoustique !

Le choeur

Anathème, etc.

L’Opinion (paraît)
Arrière !… ça ne se passera pas comme ça !…

Orphée
Ciel ! L’opinion publique qui me poursuit déjà.

Choeur

Ciel ! L’opinion publique qui le poursuit déjà.

L’Opinion
C’est l’Opinion publique

Qui proclame ce qu’elle sait

Qui peut dans un sentier oblique

Saisir la trace d’un forfait.

Qui dit à la main sacrilège

Dans les blés tu semas le piège

Halte-là!

Ca n’peut pas s’passer comme ça!

Choeur

Ca n’peut pas s’passer comme ça!

L’Opinion
Epoux indigne, ma colère

Te suivra de toutes façons.

Je veux te mettre en la misère,

Te faire perdre tes leçons.

Et, du crépuscule à l’aurore,

Troublant tes nuits, crier encore

Halte-là!

Ca n’peut pas s’passer comme ça!

Choeur

Ca n’peut pas s’passer comme ça!

L’Opinion
Viens! A l’opinion c’est en vain qu’on résiste

Choeur
Pars! A l’opinion c’est en vain qu’on résiste

Orphée
Grâce!

L’Opinion
Pour te soustraire à ma sévérité

Et pour servir d’exemple à la postérité

Un seul moyen te reste

Orphée
Et lequel, dis?

L’Opinion
Bédam, c’est de courir après ta femme

Orphée
Mais je ne l’aime pas!

L’Opinion
L’exemple à tous yeux

N’en sera que plus glorieux

Orphée
Fut-il jamais un sort plus triste!

L’Opinion
Cours, cours après ta femme

Choeur
Cours, cours après ta femme

Orphée
A ton implacable voix

Il faut céder, je le vois.

L’Opinion
Allons, c’est le moment.

LE CHOEUR
Allons, c’est le moment.

Ensemble

L’Opinion
Viens ! C’est l’honneur qui t’appelle !
Et l’honneur passe avant l’amour !
Je serai ton guide fidèle
Pendant l’aller et le retour !

Orphée
Viens ! C’est l’honneur qui m’appelle,
Et l’honneur passe avant l’amour !
Je maudis le guide fidèle
Qui me suivra jusqu’au retour.


Acte II

Scène 1

No. 8 ENTR’ACTE ET CHOEUR DU SOMMEIL 

Les Dieux
Dormons, que notre somme
Ne vienne jamais à finir.
Puisque le seul bonheur, en somme,
Dans notre olympe, est de dormir.
Ron, ron.

N° 9 COUPLETS 

Vénus entre à petits pas.

Vénus
Je suis Vénus ! et mon amour a fait l’école buissonnière !
Je reviens au lever du jour d’un petit voyage à Cythère !
Un profond mystère cache mon retour ils dorment tous !
Endormons-nous !

A son tour, Cupidon entre sur le pointe des pieds.

Le Choeur (endormi) 
Ah!


Cupidon
Je suis Cupidon mon amour a fait l’école buissonnière!
Je reviens au lever du jour d’un petit voyage à Cythère!
Un profond mystère cache mon retour!
Ils dorment tous!
Endormons­-nous!

Paraît Mars qui entre discrètement.


Le Choeur (endormi) 
Ah!


Mars
Je suis le dieu Mars, à  mon tour je viens d’chez ma particulière,
Et je rentre au lever du jour d’un petit voyage à Cythère.
La p’tit cantinière cache mon retour dans mon nuage,
J’m’en vas filer, car la consigne est de ronfler.


Le Choeur (endormi) 
Ah!

 

Scène 2


N° 11 REVEIL DES DIEUX ET COUPLETS DE DIANE 

Cor de Diane


Jupiter,
Par Saturne ! Quel est ce bruit
Qui nous réveille au milieu de la nuit ?
(décrochant son propre portable ) C’est Diane, ma fille chérie,
Qui nous sonne sa sonnerie !
Sus ! Qu’on se réveille à l’instant !…

Les Dieuxse réveillant en bâillant
Han ! Han ! Han ! Han !

Jupiter
Et surtout pas de bâillement !
D’un cri de joie et d’allégresse,
Il faut saluer la déesse ;
Obéissons au règlement !

Entre Diane, d’un air pensif et affligé, accompagnée de Junon.

Les Dieux
Salut à Diane chasseresse !

Vénus
Mais pourquoi cet air de tristesse ?

Diane
Ah ! Rien n’égale mon tourment !

Couplets.

I

Quand Diane descend dans la plaine,
Tontaine, tontaine,
C’est pour y chercher Actéon,
Tontaine, tonton !
C’est près d’une claire fontaine,
Tontaine, tontaine,
Que Diane rencontre Actéon,
Tontaine, tonton !

Les Dieux (tous)

Que Diane rencontre Actéon,


II
Diane
Or, ce matin, dedans la plaine,
Tontaine, tontaine,
Je m’en fus chercher Actéon,
Tontaine, tonton !
Mais hélas ! Près de la fontaine,
Tontaine, tontaine,
Point n’est venu mon Actéon,
Tontaine, tonton !

Les Dieux (tous)

Point n’est venu son Actéon

Diane
Pauvre Actéon ! Qu’est-il devenu ? Lui qui était là tous les jours, caché sous un buisson, pendant que… ah ! Je le voyais très bien !

Jupiter
Ce qu’il est devenu ? Je vais te le dire ! Tout ça était immoral dans la forme ! Tu te compromettais avec ce jeune homme ! Je me suis débarrassé de lui !

Diane
Et comment ?

Jupiter
Je l’ai changé en cerf ! Et pour sauver ta réputation, ô ma chaste Diane, j’ai répandu le bruit, parmi les faibles mortels, que c’était à ta demande que j’avais ainsi désorganisé Actéon ; j’ai dit que tu avais trouvé sa curiosité indiscrète…

Dianevivement
Mais non !

Jupiter
Je l’ai dit pour l’honneur de la mythologie ! Corbleu ! Mes enfants, les faibles mortels ont l’oeil sur nous ! Sauvons les apparences au moins! Sauvons les apparences ! Tout est là !

Diane
Vous les sauvez bien, vous !

Junon
Est-ce qu’il a encore fait quelque nouvelle escapade ?

Jupiter
Mais non, ma bonne Junon, de la réserve !… pas de scène devant le monde !… Je vous en prie, mes enfants, de la tenue !.

Allons ! Que chacun aille à sa besogne, en attendant l’heure de savourer le nectar et l’ambroisie… (départ du choeur en grognant) Et que personne ne manque au déjeuner… allez ! J’ai entendu des rumeurs ?  Voilà déjà plusieurs fois que je m’aperçois… (il se tourne et s’aperçoit qu’il est seul avec Junon, les autres sont partis)
Par ma foudre !… on a du mal à mener ces gaillards-là… Et il faut encore que j’aie la jalousie de ma tendre épouse… quel crampon ! Eh bien, qu’est-ce qu’il y a ?…

Junon
Il y a que je ne puis plus vivre ainsi !… et que l’existence que vous me faites…

Jupiter
Qu’est-ce que j’ai encore fait, voyons ?…

Junon
Ah !… n’essaye pas de me tromper… Les bruits de la terre montent jusqu’à moi…

Jupiter
Mais encore…

Junon
Eh bien !… Il n’est bruit là-bas que de la disparition d’une mortelle, belle comme une déesse, et qui vient d’être enlevée par un dieu… Cette femme s’appelle Eurydice… Et le dieu !… c’est vous.

Jupiter
Moi ?…

Junon
Et quel autre que vous eût osé ?…

Jupiter
Vois, mon amie, où t’entraîne ton aveugle passion !… Cet enlèvement, je le connais comme toi…

Junon
Je le crois.

Jupiter
J’ai envoyé aux renseignements mon fidèle Mercure… et si mes soupçons sont fondés, tu verras bientôt qu’un dieu qui punit, comme j’entends le faire, les escapades des autres, ne peut qu’être le mari le plus fidèle, le plus constant…

Junon
Je ne vous crois plus, gros hypocrite !… vous m’avez tant de fois trompée !…

Jupiter
Allons, bon !… c’est comme tu voudras !… Que veux-tu que je te dise ?… Tiens !… j’entends le clapotement des ailes de Mercure… Ecoute et juge-moi !…

 

Scène 3

N° 12. RONDO SALTARELLE DE MERCURE 

Mercure
Eh hop! Eh hop! Place à Mercure!
Ses pieds ne touchent pas le sol, 
Un bleu nuage est sa voiture, rien ne l’arrête dans son vol.
Bouillet dans son dictionnaire vous dira mes titres nombreux : 
Je suis le commissionnaire et des déesses et des dieux ; 
Pour leurs amours moi je travaille, actif, agile, intelligent, 
Mon caducée est ma médaille, une médaille en vif argent.
Eh hop! Eh hop! Place à  Mercure!
Ses pieds ne touchent pas le sol,

Un bleu nuage est sa voiture,  rien ne l’arrête dans son vol.
Je suis le dieu de l’éloquence, les avocats sont mes enfants, 
Ils me sont d’un secours immense pour flanquer les mortels dedans. 
Je dois comme dieu du commerce détester la fraude et le dol, 
Mais je sais par raison inverse les aimer comme dieu du vol, 
Car j’ai la main fort indirecte et quelquefois le bras trop long : 
Quand il était berger d’Admète j’ai chipé les boeufs d’Apollon.
Tout en étant le dieu des drôles, je suis le plus drôle des dieux, 
J‘ai des ailes sur les épaules, aux talons et dans les cheveux.
Jupin mon maître sait me mettre à toute sauce,
Il finira par me mettre dans un baromètre

Pour savoir le temps qu’il fera. 

Junon
Pour savoir le temps qu’il fera.

Mercure
Eh hop!

Jupiter
Eh hop!

Mercure, Junon et Jupiter
Eh hop ! Eh hop ! Place à  Mercure, etc. 

Mercure
Salut au puissant maître des cieux et de la…

Jupiter
Pas de phrase ! Au fait !

Mercure
Seigneur, j’arrive en droite ligne des enfers !

Jupiter
Et Pluton ?

Mercure
Pluton était sorti !… Il est rentré aux enfers il y a une heure !

Jupiter
Seul ?…

Mercure
Non pas ! Mais avec une jolie petite femme qu’il venait d’enlever à son mari !…

Jupiter
Cette femme a pour nom?


Mercure
Eurydice…

Jupiterà Junon
Là ! Je ne le lui fais pas dire ! Ah ! Le coquin de Pluton !… et il va venir ?…
Mercure
A l’instant… je lui ai dit que vous l’attendiez ! Le voilà !…

Jupiter
Eh bien ! Je vais le traiter comme il le mérite !…

 

Scène 4

Pluton (entrant accompagné de ses 3 sbires)

Salut au puissant maître des cieux et de…


Jupiter
Assez !… assez !… je te fais grâce de la formule !…

N°13 : AIR EN PROSE DE PLUTON

Plutonà part
Comme il me regarde !… Est-ce qu’il se douterait !…

Détournons les soupçons !… flagornons-le !…

Ayons l’air de trouver son domicile agréable…

J’ai justement une vieille tirade que j’ai lue quelque part…

(haut.) Ah ! Avec quelle volupté je m’enivre des suaves émanations de cette atmosphère douce et vivifiante de l’Olympe ;

Heureuses divinités qui folâtrez sans cesse sous des cieux toujours bleus,

Tandis que je suis condamné aux sombres cloaques du royaume infernal !…

Ici l’on respire une odeur de déesse et de nymphe,

Une suave odeur de myrte et de verveine, de nectar et d’ambroisie.

On entend le roucoulement des colombes,

Les chansons d’Apollon et la lyre de Lesbos !…

Voici les nymphes !… voici les muses !… les grâces ne sont pas loin !…

Vous les verrez danser, calmes et bondissantes,

Aux douces clartés de la lune d’avril !…

On entend le roucoulement des colombes,

Les chansons d’Apollon et la lyre de Lesbos !…

Tous les parfums sont déchaînés, et les parfums de la nuit,

Et les parfums du jour, et les parfums du ciel,

Et les parfums des grâces, et les parfums des muses,

Et les parfums des nymphes !…


Jupiter
As-tu bientôt fini, avec ta parfumerie ?

Pluton
On chantera jamais trop votre bonheur !

Jupiter

Laissons cela ! Il paraît, mon bonhomme, que tu te conduis comme le dernier des drôles !

Pluton
Seigneur !

Jupiter
Tu as abusé de ton pouvoir en enlevant par la mort une épouse à son époux.

Pluton
Ce n’est pas vrai !

Jupiter
Ne nie pas ! Je sais tout !

Pluton
Ce n’est pas vrai !

Jupiter
Silence !… quand je parle, on se tait !

On entend des cris au dehors.


Pluton narquois

Ça n’est pas ce que j’appelle se taire, ça. 


Jupiter

Une révolte !

 

Scène 5

 

N° 14. CHOEUR DE LA RÉVOLTE

Diane, Vénus, Cupidon et le Choeur des dieux
Aux armes ! Dieux et demi-dieux !
Abattons cette tyrannie,
Ce régime est fastidieux !
Plus de nectar ! Plus d’ambroisie !

Aux armes! Aux armes! 


Jupiter
Une révolte, vraiment c’est curieux! 


Pluton à  part
Une révolte chez les dieux !
Sur mon âme, elle arrive au mieux ! 


Les Déesses et Cupidon
Plus de nectar! plus d’ambroise !
Plus de nectar, cette liqueur fait mal au coeur… oui, mal au coeur !
Assez de sucre et d’ambroise !
Plus d’ambroisie ! 


Pluton
lls ont raison ! Ces aliments sont fades !
Parlez­-moi de ceci, de ceci, camarades !

Les sbires brandissent des bouteilles de champagne


Diane, Vénus, Cupidon et le Choeur des dieux
Aux armes ! dieux et demi­-dieux !
Abattons cette tyrannie !
Ce régime est fastidieux ! etc. 


Jupiter
Silence, ou je tonne !
Alors c’est une sédition! On refuse obéissance! 


Tous
Oui ! Oui ! Oui !


Jupiter
Et la morale ?


Pluton
Il faudrait pourtant s’entendre sur ta morale !
Tu en as fait bien d’autres, toi, mon petit père !

Jupiter
Moi ? Jamais ! bon époux, bon père

Pluton
Ah oui ! Parlons-en de tes qualités domestiques !
Tu me reproches ce que j’ai fait !
Si on rappelait ce que tu as fait, toi !


Diane
Laisse donc! Moi Diane, j’en sais sur ton compte !

Vénus
Et moi, Venus !


Cupidon
Et moi, Cupidon !


Tous
Et nous donc !


Cupidon
Nous avons fait des chansons là-dessus ! 


Pluton
Tu l’entendras !

Tous
Tu l’entendras !


Junon
Ce sera ta punition !

 

Scène 6


N° 15. RONDEAU DES METAMORPHOSES 

DIANE
Pour séduire Alcmène la fière
Tu pris les traits de son mari !
Je sais bien des femmes sur terre
Pour qui ça n’eût pas réussi!
Ah! ah! ah! ah! ah! ah!
Ne prends plus l’air patelin :
On connaît tes farces, Jupin !
Ah! ah! ah! ah! ah! ah!
Ne prends plus l’air patelin,
On te connaît Jupin!

LE CHOEUR 
Ah! ah! ah! ah! ah! ah!
Ne prends plus, etc.

MINERVE
Est-ce de la même enveloppe
Que tu te servis de nouveau,
Lorsque, pour enlever Europe,
Tu pris les cornes d’un taureau ?
Ah ! Ah ! Ah !
Etc., etc., etc.

LE CHOEUR 
Ah! ah! ah! ah! ah! ah!
Ne prends plus, etc.

CYBELE
A Danaé, ton adorée,
En pluie, un jour, tu te montras ;

POMONE
Mais cette pluie était dorée :
Ça lui plut et tu l’adoras.

CYBELE ET POMONE 
Ah ! Ah ! Ah !
Etc., etc., etc.

LE CHOEUR 
Ah! ah! ah! ah! ah! ah!
Ne prends plus, etc.

VÉNUS 
Ce cygne traqué par un aigle
que Léda sauva dans ses bras,
c’était encore vous, gros espiègle !
J’étais l’aigle, ne le niez pas !
Ah ! Ah ! Ah !
Etc., etc., etc.

LE CHOEUR 
Ah! ah! ah! ah! ah! ah!
Ne prends plus, etc.

FLORE

Tour à tour, bête, homme ou légume,

Tout te fut bon pour t’habiller !…

CERES

Ah ! Quelle note de costume

Tu dus payer ton costumier !

FLORE ET CERES

Ah ! Ah ! Ah !
Etc., etc., etc.

LE CHOEUR 
Ah! ah! ah! ah! ah! ah!
Ne prends plus, etc.

Pluton
Que prouvent ces métamorphoses ?
C’est que tu te trouves si laid

Que pour te faire aimer
tu n’oses te montrer tel que l’on t’a fait !
Ah! ah! ah! etc. 

LE CHOEUR 
Ah! ah! ah! ah! ah! ah!
Ne prends plus, etc. 

Junon.

Je suis à bout de forces !… Ah ! traître ! ah ! volage !… Va-t’en !… je te hais ! Nous nous séparerons !…

Elle tombe dans les bras de Pluton en poussant des cris.

Jupiter.

L’attaque de nerfs !… je ne pouvais pas l’éviter !…

Pluton.

Prenez-moi donc votre femme !

Jupiter,

Je te jure que c’est avant notre mariage !…

Junon.

Ah !…

Pluton.

Mais prenez donc votre femme !…

Jupiter.

Tout ça, c’est des cancans, de purs cancans !… Je n’ai jamais aimé que toi ! (A Pluton.) Tu n’es qu’un diffamateur, toi, tu n’es qu’une espèce de…

Pluton.

N’achevez pas !… Et prenez donc votre femme ! Elle me gêne !

Mercure
Seigneur, deux étrangers sont là, qui demandent audience!


Jupiter
Leurs noms ?


Mercure
Orphée.


Jupiter (à part) 
Orphée ! (à Pluton) Je vais te pincer, Pluton !


Mercure
Il est accompagné de quelqu’un qui se dit l’Opinion Publique. 


Jupiter
L’Opinion Publique ! Mes enfants, trêve à nos dissensions intestines ! 


Pluton
Ne les recevez pas !


Tous
Recevez-les !


Jupiter
(bas, à Pluton) Je vais les recevoir ! (haut) Je vais les recevoir ! Je suis Jupin et je dois la justice à  tous!  Ah! tu trembles, Pluton!

 

Scène 7


N° 16. FINALE

Entrent Orphée et l’Opinion Publique.

Pluton
Il approche! Il s’avance!
Le voilà, oui, c’est bien lui!
Ah! sapristi! je commence à bien m’ennuyer ici.


Les dieux
Il approche! il approche!
Le voilà, oui, c’est bien lui !
L’on va prendre ta défense, hélas, trop infortuné mari ! 


Orphée
C’est malgré moi que j’avance !
Et je suis tout ahur. Ce voyage-­là commence
à  me donner beaucoup trop d’ennui. 


Pluton, Jupiter et Mercure
Le voilà !


DIANE, CUPIDON, VENUS ET LE CHOEUR
Attendons !


PLUTON, JUPITER ET MERCURE
C’est bien lui !


DIANE, CUPIDON, VENUS ET LE CHOEUR
Observons !


ORPHÉE
La vengeance est bien près de moi!


L’OPINION PUBLIQUE
Avance ! Avance ! Obéis-moi !

DIANE, CUPIDON, VENUS ET LE CHOEUR
Regardons, écoutons, oui regardons même écoutons !
Car on va prendre ta défense, trop infortuné mari ! 


ORPHÉE
La vengeance est bien près de moi !
Dieu! qu’il m’ennuie !
Oui, il m’ennuie ce damné vieillard,
Il commence à me donner de l’ennui. 


PLUTON, JUPITER ET MERCURE
Le voilà, c’est bien lui, il approche, il s’avance ! etc. 


L’OPINION PUBLIQUE
La vengeance est bien près de toi, obéis-­moi, marche toujours !
Crains ma vengeance !
Sinon, crains la vengeance prête à fondre sur toi! 


JUPITER
Que me veux-­tu, faible mortel ?


L’OPINION PUBLIQUE
Voici le moment solennel !
Tu vas, d’une voix attendrie,
Implorer du grand Jupiter

Le droit de reprendre à l’Enfer

Ton épouse tendre et chérie! 


ORPHÉE
Vous le voulez ?


L’OPINION PUBLIQUE
Allons !

ORPHÉE
On m’a ravi mon Eurydice…

DIANE, CUPIDON, VENUS
Rien n’égale son tourment!


DIANE
Rien n’égale sa douleur!


CUPIDON, DIANE, VÉNUS ET LES DÉESSES
Rien n’égale sa douleur!


ORPHÉE
Et le ravisseur…


JUPITER
C’est ?…


ORPHÉE
C’est Pluton !


TOUS
C’est Pluton ! C’est Pluton !


JUPITER
Punissant justement le crime et l’injustice
je condamne Pluton à lui rendre Eurydice! 


ORPHÉE (à  part) 
O ciel ! O ciel ! Il me la rend !


PLUTON (à  part) 
O ciel ! O ciel ! Il me la prend !


JUPITER
Et pour faire observer ma volonté suprême,
aux Enfers aujourd’hui, Pluton, j’irai moi­-même! 


LES DIEUX
Aux Enfers!

DIANE, CUPIDON VÉNUS ET MERCURE
Jupin, emmenez­-nous avec vous, s’il vous plaît !
Emmenez-nous, Jupin, emmenez-nous avec vous. 


JUPITER
Allons, j’emmènerai l’Olympe au grand complet ! 


LES DIEUX
Vive Jupin !


JUPITER
Venez tous, venez tous !


LES DIEUX
Gloire, gloire à Jupiter,

Gloire à ce dieu clément et doux

Qui pour ce sémillant enfer,
N’a pas voulu partir sans nous !
Partons, partons ! La, la, la, la !
Partons, marchons ! Ah !
Plus de nectar, plus de ciel bleu !
Oh, nous allons donc rire un peu

Merci, mon Dieu, merci, mon Dieu !
La, la, la, la, la, partons, marchons ! 


JUPITER
Prenons nos attributs, partons, n’hésitons plus ! 

LES DIEUX
Prenons nos attributs partons, n’hésitons plus ! 


TOUS
Merci, merci !
La, la, la, la, partons, partons, etc.
Gloire, gloire à  Jupiter, etc.

Tous les dieux sortent, ravis

 


Acte III

Scène 1

No. 18 COUPLETS DES REGRETS

EURYDICE parlé

Personne encore. Pas de nouvelles.
Ah, ça, mais c’est intolérable ! Je m’ennuie épouvantablement ici !


chanté

Ah! quelle triste destinée

Me fait ici le dieu Pluton !
Me laisser seule abandonnée !
Que veut dire cet abandon ?
Lorsqu’avec lui je suis venue, de tendresse il était pétri !
Ah! mais si cela continue je vais regretter mon mari !
Ah mais oui je vais regretter mon mari!
L’amour des dieux, disait le traître,
contient d’ineffables douceurs!
Je vais te les faire connaître…
Les dieux seraient­-ils des lâcheurs ?
Où donc est l’ivresse inconnue que je devais goûter ici ?
Ah! mais si cela continue etc.


parlé

Voilà deux jours que je suis seule, n’ayant d’autre récréation que la compagnie de ce gros bêta de domestique dont on a fait mon geôlier !
Ah! Encore lui !

 

Scène 2


John Styx s’avance.

JOHN (à part) 
Elle est bien belle ! bien belle ! bien belle ! Ah ! si j’osais !

EURYDICE
C’est encore toi ! Que me veux-­tu ?


JOHN
Madame n’a pas sonné?


EURYDICE
Moi ? Non !


JOHN
Est­-ce que Madame sonnera bientôt ? 


EURYDICE
Est­-ce que je sais ? Pourquoi ?


JOHN
Parce que si Madame sonnait, je m’empresserais d’accourir.
Ah! je suis bien malheureux ! 


EURYDICE
Qu’est­-ce que cela me fait ?


JOHN
Puisque Madame paraît s’intéresser à  moi, je vais tout lui dire.
Figurez-­vous, Madame, que je suis la meilleure nature du monde. J’ai un coeur sensible et une tête faible. La femme qui m’aimerait serait bien heureuse ! 


EURYDICE
Ne m’approche pas ! (à  part)  Il est affreux !


JOHN
Madame me repousse après un tel aveu ? Ah ! c’est parce que je ne suis qu’un domestique, n’est-­ce pas ?
Mais je n’étais par mort pour porter cette livrée, Madame ! Quand j’étais sur terre, j’étais le fils d’un grand prince de Béotie !

N° 19 COUPLETS DU ROI DE BEOTIE

JOHN 
Quand j’étais roi de Béotie, j’avais des sujets, des soldats,
Mais un jour, en perdant la vie, j’ai perdu tous ces biens, hélas !
Et pourtant, point ne les envie : ce que je regrette en ce jour

C’est de ne point t’avoir choisie pour te donner tout mon amour !
Quand j’étais roi de Béotie, quand j’étais roi de Béotie !

Si j’étais roi de Béotie, tu serais reine sur ma foi,
Je ne puis plus qu’en effigie t’offrir ma puissance de roi.
La plus belle ombre, ma chérie ne peut donner que ce qu’elle a,
Accepte donc, je t’en supplie, sous l’enveloppe que voilà
Le coeur d’un roi de Béotie, le coeur d’un roi de Béotie.

EURYDICE
Insolent!


JOHN

Voyez-­vous il est une chose que je n’oublierai jamais, c’est l’image de la femme adorable dont mon maître m’a donné la garde depuis deux jours…

On entend de nouveau l’air du Roi de Béotie.

EURYDICE
Ah non, pas encore !

JOHN décroche son téléphone dont c’était la sonnerie
Chut, c’est mon maître !

Il amène du monde!  (poussant Euyridice vers la porte du cabinet dérobé) Rentrez là, Madame, rentrez là !


EURYDICE
Je ne veux pas !


JOHN
Ce sont les ordres de Monsieur. Vous me feriez flanquer à la porte! 


EURYDICE
Mon petit John Styx, je t’en supplie !

JOHN
Non, non ! Rentrez, rentrez !…


EURYDICE
Ah ! Pluton ! Tu me le paieras!

JOHN
Allons, allons ! (Il fait entrer Eurydice au moment où paraissent Pluton et Jupiter.)  Il était temps !

 

Scène 3

Jupiter et Pluton entrent en se bousculant et tâchant de se devancer l’un l’autre.


PLUTON (bas à John) 
Eurydice ?


JOHN (bas à Pluton) 
Sous clef.


JUPITER
Où est-­elle ? Où est­-elle ?


JOHN
Qui elle ?


JUPITER
Eurydice ! Par ma foudre, parle !

PLUTON
Eurydice ? Comment, tu crois encore que j ai enlevé cette petite ?


JUPITER
Parfaitement! Et je verrai bien ! j’ai saisi la justice ! Il y a eu enlèvement et tu vas être jugé par les juges des Enfers!

Paraît un huissier.

 
L’HUISSIER
La Cour !


JUPITER
Les voici !

3ème tableau – scène 4

Minos, Eaque et Rhademante font leur entrée.

N° 20 SEPTUOR DU TRIBUNAL 

MINOS, EAQUE et RHADAMANTE
Minos, Eaque et Rhadamante,
Rhadamante, Eaque et Minos,
Sous les yeux de Thémis clémente,
Nous presidons les tribunos les tribunos infernos!


MINOS
Nul n’échappe à notre colère! 


RHADAMANTE
Ceux que Minos ne punit pas,

EAQUE
Rhadamante en fait son affaire!


RHADAMANTE
Eaque est là dans tous les cas!


TOUS
Minos, Eaque et Rhadamante
Rhadamante, Eaque et Minos!
Sous les yeux de Thémis clémente.
Tous trois président/Nous présidons les tribunos, les tribunos infernos ! 


L’HUISSIER
La séance est ouverte!


MINOS (à l’Huissier) 
Faites entrer le témoin Cerbère. 


PLUTON (à part) 
Pourvu qu’il n’aille pas me trahir!


L’HUISSIER (appelant) 
Le témoin Cerbère !
Le témoin Cerbère !

Le témoin Cerbère !


Entrent les trois Cerbères.

MINOS
Témoin Cerbère, dans la soirée des Ides de Mars, 

EAQUE
le dieu Pluton revenant de la terre, 

RHADAMANTE
est­-il rentré seul ou avec une femme? 


CERBERE
grommellements indistincts, puis aveu d’ignorance

MINOS
Vous l’entendez? Il affirme que Pluton est rentré seul aux Enfers!


JUPITER
Mensonge !

Ah j’enrage ! Ce procès est truqué, les juges sont complices de l’accusé ! Le témoin sont complices de l’accusé ! C’est une parodie de justice ! Ma foudre, que je les foudroie tous ! En poudre! En poudre, tous ces gens-­là !

Crépitement et coup de de tonnerre, la lumière baisse. Pluton, John, huissiers, Cerbère, juges, tout le monde se sauve. Apparaît Cupidon.

 

Scène 5


CUPIDON riant
Ah ah ah !


JUPITER
Tiens, Cupidon!


CUPIDON
Oh! Papa ! Papa ! tu me fais de la peine !


JUPITER
Qu’est-­ce qu’il vient faire là, ce méchant galopin ? 


CUPIDON
Il vient te sauver, ce méchant galopin !


JUPITER
Me sauver ?

CUPIDON
Tu cherches une femme, non ? 

JUPITER
Quoi, mon petit chéri, tu te chargerais ?…

CUPIDON
Il faut donc que je te la rende, ton Eurydice ?


JUPITER  
Oh, oui !


CUPIDON 
Eh bien on va te la retrouver !

 

Scène 6

Apparaissent de tous les côtés les acolytes de Cupidon

N° 21. RONDE DES CUPIDONS 

CHOEUR DES CUPIDONS 
Nez au vent oeil au guet, clairvoyant et discret,
Le limier de l’amour doit veiller nuit et jour.
Aussi fin qu’un renard, très malin,
Peu bavard sachant tout découvrir et partout se blottir!
À l’amant, au mari, apportant son appui,
Il surprend tous les jours plus de cent jolis tours.
Nez au vent, etc.

N° 22. RECIT ET COUPLETS DES BAISERS 

CUPIDON
Attendez, j’ai mon moyen!


JUPITER ET LES CUPIDONS 
Voyons, voyons ton moyen!


CUPIDON
Attendez, attendez!


JUPITER ET LES CUPIDONS 
Voyons, voyons le moyen.


CUPIDON
Pour attirer du fond de sa retraite

Une souris qui cache son museau

Non loin du nez de la petite bête,
Il faut semer quelque friand morceau.
Je sais un autre stratagème

Qui doit faire de son réduit

Sortir une femme qu’on aime :

Ce stratagème, c’est un bruit ;
mais il faut que ce joli bruit

Soit bien mignon et bien gentil !
Ah! (imitant le bruit des baisers.) 
Allez­-y, la p’tit’ bête va répondre au bruit,
la p’tit’ bête va répondre au bruit! 


LES CUPIDONS  imitent les baisers 
Allez­-y la p’tit’ bête, etc.


CUPIDON
Lorsque l’on veut attirer l’alouette,
On fait briller un miroir à ses yeux
Et sans retard on voit la coquette
En voltigeant accourir à ses feux !
Une femme, c’est tout de même,

Par ses faiblesses qu’on la séduit ;
Tout ce qu’elle veut, c’est qu’on l’aime

Et c’est ainsi qu’on le lui dit,
Mais il faut que cela soit dit

D’un air bien mignon bien gentil!
Ah! etc. 


CUPIDON
Je vais te métamorphoser séance tenante. Tu connais ça. 


JUPITER
Me métamorphoser en quoi ?

CUPIDON
Je veux que tu en aies la surprise.


JUPITER
La surprise ! La surprise ! J’ai besoin d’être joli, très joli, tu sais ! 


CUPIDON
Tu seras joli très joli ! Attention au changement, Papa, attention au changement ! 


JUPITER 
En quoi va-­t-­il me mettre, le petit malheureux ?


CUPIDON
Une… deux… trois…

 

Scène 7

N° 23 PETITE RONDE DU BOURDON

LES CUPIDONS
Le beau bourdon que voilà
Est-il joli comme çà !
Bonne chance papa,
Passe, passe, passe là
Et la belle y restera.

Cupidon va chercher Eurydice et la drogue en lui faisant boire un cocktail.

 

Scène 8

N° 24 DUO DE LA MOUCHE 

EURYDICE
Il m’a semblé sur mon épaule sentir un doux frémissement!

JUPITER
Il s’agit de jouer mon rôle plus un mot!
Car dès ce moment je n’ai droit qu’au bourdonnement!
(Imitant le bourdonnement de la mouche) Zi! Zi!


EURYDICE
Ah! la belle mouche!
Le joli fredon


JUPITER
Zi! Ma chanson la touche, chantons, chantons ma chanson!

EURYDICE
La belle mouche!


JUPITER
Ma chanson la touche, chantons ma chanson!


EURYDICE
Ah, la belle mouche!
Le joli fredon!
Bel insecte à l’aile dorée,

Veux-­tu rester mon compagnon?

JUPITER (imitant la mouche) 
Zi!


EURYDICE

Ces lieux dont tu forças l’entrée, hélas, me servent de prison.

JUPITER
Zi!


EURYDICE
Ne me quitte pas, je t’en prie, reste, on prendra bien soin de toi!
Ah! je t’aimerais, mouche jolie, reste avec moi, reste avec moi!

JUPITER
Quand on veut se faire adorer il faut se laisser desirer !

EURYDICE (courant à lui) 
Je la tiens par son aile d’or!


JUPITER
Pas encor! Pas encor!


EURYDICE
Fi, la méchante, la méchante! 


JUPITER
J’ai pris des ailes, ma charmante, j’ai bien le droit de m’en servir! 


EURYDICE
Elle ne cherche qu’à me fuir !
De cette gaze légère, sans l’étouffer, je puis faire un filet à papillon. 


JUPITER
Attention ! Attention !


EURYDICE
Ah! la voilà prise! plus de résistance !  


JUPITER
La plus prise des deux n’est pas celle qu’on pense ! 


EURYDICE
Chante, chante !


JUPITER
Zi !


ENSEMBLE
Zi ! Zi !


EURYDICE
Ah! je la tiens ! Ah! c’est charmant !


JUPITER
Ah! je la tiens ! Ah! c’est charmant !


EURYDICE
Ah, je savais bien que je t’attraperais, mon joli bijou ailé !  Mais voyez donc, qu’elle est gracieuse! Quelles belles couleurs !  Et quelle taille fine !

JUPITER
Eh bien, tout cela est à  toi, si tu le veux, mortelle adorée ! 


EURYDICE
Ah, grands dieux, elle parle ! Au secours !


JUPITER
Tais-toi ! J’ai pris ce costume pour tromper les regards jaloux d’un tyran qui ne veut que te torturer.

EURYDICE
Jupiter ! Le roi des dieux !


JUPITER
Oui, c’est moi. Ah! si je t’avais connue plus tôt,  Pluton ne t’aurait pas enlevée. Je t’aurais emmenée dans l’Olympe. 


EURYDICE
Voir l’Olympe et quitter cet affreux séjour ? Oh! fuyons, emmène­-moi ! 


JUPITER
Nous n’avons qu’un moyen pour ne pas éveiller les soupçons. Il faut que je retourne à  la fête que me donne cet idiot de Pluton. Retrouvons-nous tout à l’heure.

Ils se séparent, Jupiter sort en coulisses.


Scène 9

Jupiter revient ausstôt, fuyant John Styx armé d’une tapette et vociférant « Mouche ! Mouche ! ». Passant devant le bar, Styx s’arrête, oublie la mouche, jette la tapette, et prend une bouteille, avec l’intention de boire. Pluton arrive.

PLUTON
Où est elle ? Où est cette mouche ? Et Eurydice, où est Eurydice ?

JOHN STYX

Mais euh.. je ne sais pas… je…

PLUTON
Ah l’incapable. Si je ne fais tout moi-même ici… Eh bien prépare donc les lieux, le monde arrive. Et moi, je me charge de retrouver et la Belle et la Bête ! (il sort)


JOHN STYX (commençant à préparer les lieux pour l’arrivée des hôtes)
Si j’étais roi de Béotie, tu serais reine sur ma foi!
Je ne puis plus qu’en effigie t’offrir ma puissance de roi!
La plus belle ombre ma chérie ne peut donner que ce qu’elle a,
accepte donc, je t’en supplie, sous l’enveloppe que voilà 

le coeur d’un roi de Béotie, le coeur d’un roi de Béotie! 

 


Acte IV

Acte IV

Scène 1

N° 26 ENTR’ACTE ET CHOEUR INFERNAL 

Arrivée de tous les dieux de l’Olympe.


LE CHOEUR
Vive le vin ! Vive Pluton !
Et nargue du qu’en-dira­-t-­on !
La divine cohorte que ce vieux vin transporte chante le Dieu
qui porte la couronne de fer !
Sa demeure chérie sera notre patrie,
si l’on comprend la vie, amis, c’est en enfer !
Vive le vin, etc.

Scène 2


CUPIDON
Allons, ma belle bacchante,

Mortelle émule de Vénus

Chante-­nous, de ta voix charmante

Chante-­nous ton hymne à Bacchus! 


LE CHOEUR
Chante, belle bacchante
Chante-­nous ton hymne à Bacchus!

N° 27 HYMNE A BACCHUS 

EURYDICE
J’ai vu le Dieu Bacchus sur sa roche fertile,

Donnant à ses sujets ses joyeuses leçons,

Le Faune au Pied de chèvre et la Nymphe docile

Répétaient ses chansons, répétaient ses chansons! 


DIANE, CUPIDON et les Déesses
Répétaient ses chansons !
Evoé ! Evoé ! Bacchus m’inspire !
Evoé ! je sens en moi, évoé,
Son saint délire, évoé, Bacchus est roi ! 


EURYDICE
Laissez, leur disait-­il, les tristesses moroses,
Laissez les noirs soucis aux profanes humains,

Et vous, couronnez-­vous de pampres et de roses

Qui tombent de mes mains, qui tombent de mes mains! 


CUPIDON, DIANE et les Déesses
Qui tombent de mes mains!
Evoé ! etc.

Scène 3

PLUTON
Et voilà mon corps de ballet!


N° 28. MENUET ET GALOP INFERNAL 

JUPITER
Maintenant, je veux, moi

Qui suis mince et fluet,
Comme au temps du grand roi

Danser un menuet. 


DIANE
Ah!

TOUS
Ah! La la la la la!
Le menuet n’est vraiment si charmant que lorsque Jupin le danse.
Comme il tend d’un air coquet le jarret : comme il s’élance en cadence.
Le menuet, etc.
Terpsichore dans ses pas n’a pas plus d’appas.
Le menuet, etc. 

JUPITER (à  part) 
Ce sot de Pluton n’a pas reconnu Eurydice : après la danse, nous lèverons le pied !

PLUTON (à  part) 
Cet idiot de Jupiter croit que je n’ai pas reconnu la bacchante… Mais j’ai l’oeil sur eux!

Scène 4


TOUS
Ce bal est original d’un galop infernal donnons tous le signal !
Vive le galop infernal ! donnons le signal d’un galop infernal !
Amis, vive le bal !
La la la la la ! 

Scène 5


EURYDICE (à part, à Jupiter) 
Et maintenant, fuyons, Jupiter…


JUPITER (à part, à Eurydice) 
Oui, profitons de ce qui nous reste de souffle, fuyons !

PLUTON (se dressant devant eux) 
Où donc ?


EURYDICE
Aïe !


JUPITER
Que veut cet audacieux ?


PLUTON
Ah, plus de dignité, n’est­-ce pas ? Crois-­tu que j’ignore rien de ce qui se passe ici depuis deux heures ? Crois­-tu que sous ce costume de bacchante je n’ai pas reconnu la femme ?…

JUPITER
… Que tu n’avais pas enlevée, disais­-tu ?


PLUTON
Eh bien, oui, je l’avais enlevée ! Mais je m’en repens bien.


EURYDICE
Que dit-il ?


PLUTON
Je dis que tu t’es conduite avec moi comme avec ton mari ! Que tu m’as flanqué mon envers à  l’Enfer – mon Enfer à l’envers, et que…


JUPITER (riant) 
Il sait tout !


PLUTON
Riez, allez ! Rira bien qui rira le dernier ! La farce est bonne, mais vous ne l’emporterez pas ensemble en Paradis. 


JUPITER
Et qui donc m’empêcherait, si je voulais ?

PLUTON
Qui ! Mais toi­-même !


JUPITER
Que veut-­il dire ?


PLUTON
Et le mari qui va venir, le petit mari.


EURYDICE
Mon mari ! Je l’avais completement oublié ! 


JUPITER
Moi aussi !


PLUTON
Ah, je vais être vengé ! Ce n’est pas à moi que tu rendras Eurydice, c’est à lui !

JUPITER
M… Miserere ! Qu’ai­-je promis ?

On entend au loin un chant de violon. 

N° 29. MELODRAME 


PLUTON
La position se tend.


JUPITER
Elle est tendue.


PLUTON
Je vais élever le dialogue avec la situation. Je ne parle plus qu’en vers. Méfiez­-vous.
Femme, reconnais­-tu ce chant de violon? 


EURYDICE
Ce chant qu’il trouve large et que je trouve long
C’est celui de l’époux que j’ai…

PLUTON
Tu l’as dit, femme,

C’est ton époux qui vient pour racheter ton âme.
Ton époux te réclame, on te rend à  la terre :
c’est un joli cadeau que nous allons lui faire.


EURYDICE (suppliante) 
Jupin !


JUPITER
Rassure­-toi, pauvre ange, j’ai mon plan.
Et tu n’es pas encore au bras de ton tyran.

Scène 6

Apparaissent l’Opinion Publique et Orphée.


ORPHÉE
Oui, tu m’as convaincu, malgré ses injustices

C’est ma femme, et je veux ignorer ses caprices.

Puissant roi des âmes…

JUPITER
Assez, grâce du boniment.
Je connais ta demande, allons-­y donc gaiement.
Fidèle à ma promesse, à tes désirs propices,
D’accord avec Pluton, je te rends Eurydice.
Va!


ORPHÉE (avec philosophie) 
Jupiter me comble et Pluton est trop bon.


JUPITER
Mais j’y mets, cependant, une condition,
Condition expresse autant qu’inexplicable…
Que tu n’as pas besoin de comprendre, que diable!
Vers le Styx, gravement, tu vas t’acheminer

En précédant ta femme et sans te retourner

Si trop pressé de voir ton aimable Eurydice
Tu désobéissais à ce petit caprice,
Elle t’échapperait pour toujours, cette fois… 


PLUTON (furieux) 
Mais ce n’est pas du jeu!

JUPITER
L’on élève la voix?!
Allons, derrière toi va marcher Eurydice;
Ne te retourne pas! J’ai dit ! Qu’on obéisse

Scène 7

N° 30. FINALE


L’OPINION PUBLIQUE
Ne regarde pas en arrière.
A quinze pas fixe les yeux.
Ami, pense à la terre,

Elle nous attend tous les deux. 


TOUS
Pour un époux, quel embarras !
Il se retournera, se retournera pas ?


JUPITER
Sur sa curiosité, aurais­-je donc en vain compté ? 


L’OPINION PUBLIQUE
Nous triomphons ! Ah, quelle joie !


JUPITER
Il ne se tourne pas ! Tant pis, je le foudroie !

Noir, jaillissement d’étincelles. Orphée se retourne brusquement comme si le coup l’avait atteint. Eurydice recule, guidée par les sbires, pour revenir dans les griffes de Pluton.

LES DIEUX
Ah!


L’OPINION PUBLIQUE
Malheureux, que viens-tu de faire?


ORPHÉE
Un mouvement involontaire !


PLUTON
Tu l’as perdue, et pour jamais !
Elle me reste donc.


JUPITER
Pas plus qu’à moi !


PLUTON
Comment ?


JUPITER
Non, car j’en fais une bacchante.


TOUS
Une bacchante !


EURYDICE à Bacchus qui vient d’arriver
Ah ! Ah ! Bacchus. mon âme légère qui n’a pu se faire
au bonheur sur terre, aspire à toi, divin Bacchus !
Recois la prêtresse, dont la voix sans
cesse veut chanter l’ivresse à tes élus ! 


TOUS (sur l’air du galop infernal)
La la la la la!

FIN

Pourquoi Oya Kephale ne joue que des œuvres d’Offenbach ?

Il est une question que les habitués des productions d’Oya Kephale finissent souvent par se poser, après avoir assisté à deux, trois, voire dix opéras-bouffes montés par notre troupe : 

“ – Mais vous ne jouez que du Offenbach ? Jamais d’autres compositeurs ?”
“- Pourquoi rejouez-vous les mêmes opérettes année après année ?”
“- Il y a des opérettes moins connues que vous pourriez jouer !”

 Ces questions font hélas souvent abstraction de la moitié du programme d’Oya Kephale, et entretiennent l’idée reçue selon laquelle notre troupe ne jouerait que du répertoire offenbachien. 

Oya Kephale, ce ne sont pas que des opéras-bouffes, mais aussi des concerts d’autres types de musique.

Eh oui, à chaque mois de décembre, le chœur et l’orchestre jouent un programme mettant à l’honneur différents compositeurs, souvent du XIXe siècle, avec dernièrement Charles Gounod, César Franck, ou Camille Saint-Saëns. Mais des œuvres d’autres époques, allant de la Renaissance (Motets de Monteverdi) à la fin du XXe siècle (Silouans song d’Arvo Pärt), ont également été jouées à l’occasion de ces concerts.

Et Offenbach n’y tient une place que très minoritaire : c’est en effet seulement lors des éditions de 2010 et de 2015 que des extraits de quatre de ses œuvres (lyriques) furent interprétés : 

  • Sponsa Dei, pour chœur et orchestre, extrait de la musique de scène du drame La Haine, de Victorien Sardou.
  • Les Fées du Rhin, Ouverture pour orchestre, et Marche funèbre pour orchestre et chœur de femmes.
  • “Hommage à Jacques Offenbach” pour solistes, chœur et orchestre,
      d’après l’Apothéose des Contes d’Hoffmann.

Toujours est-il que la troupe prend un grand plaisir à travailler ces œuvres de décembre, qui permettent d’élargir la pratique de chacun des musiciens à d’autres répertoires bien différents des opéra-bouffes d’Offenbach.  Et ces concerts sont aussi l’occasion de mettre en avant des pièces moins connues, voire rarement jouées, comme La Messe des anges gardiens de Charles Gounod, ou le Concerto pour flûte de Pleyel.

Les opérettes de mai : 99 % Offenbach

Il faut en revanche bien admettre que l’autre moitié du programme annuel d’Oya Kephale fait la part belle à Jacques Offenbach, avec douze de ses opéra-bouffes ou opéra-fééries, joués, rejoués – et parfois rerejoués ! – entre 1995 et 2023 !

Une seule exception doit être relevée, avec la création en 2004 d’un opéra-comique original, Merlin ou la nuit des métamorphoses. Composée par le directeur de la troupe de l’époque, Yannick Paget, sur un livret de Côme de Bellescize, cette œuvre signe néanmoins une parenté avec Offenbach, croisée avec celle de Bernstein. Elle propose en outre l’association audacieuse des influences de l’opérette, de la comédie musicale et du théâtre shakespearien.

Mais Offenbach reste bien le compositeur fétiche de la troupe, laquelle ne fait après tout que respecter l’héritage laissé par ses fondateurs, qui avaient démarré l’aventure avec la production de La Belle Hélène en 1995. Cette œuvre maîtresse du répertoire offenbachien a durablement imprégné l’identité de la troupe, à la fois nominale et visuelle. 

La pomme taillée en forme de cœur est en effet un clin d’œil à la célèbre pomme d’or de L’Illiade, élément déclencheur de l’enlèvement d’Hélène par Pâris, qui fonde l’intrigue de l’opéra-bouffe d’Offenbach. Ce fruit, et ses influences sur les amours humaines, est par ailleurs repris dans d’autres de ses œuvres comme Le Voyage dans la Lune.

La Belle Hélène sera ainsi jouée trois fois dans l’histoire de la troupe : après la première de 1995, une seconde en 2002 et une troisième à l’occasion de ses 20 ans en 2015. Mais ce sera aussi le cas de La Périchole, de La Vie parisienne ou encore des Brigands. Ces différentes reprises posent alors la question de l’inépuisabilité du répertoire offenbachien : la troupe a-t-elle fait le tour des opérettes de ce compositeur ? Pourquoi continuer à jouer les mêmes pièces ? La troupe sacrifierait-elle tant à son identité en dérogeant à la “règle Offenbach” ?

L’opéra-bouffe offenbachien, un format idéal pour la troupe comme pour le public

Si le rapport identitaire à Offenbach n’est pas à négliger, il ne suffit pas à expliquer la fidélité de la troupe à ce compositeur.

La question du « format » de ses œuvres est aussi centrale. Le modèle des opéra-bouffes d’Offenbach convient en effet bien à la structure de la troupe qui, rappelons-le, est composée d’un chœur et d’un orchestre permanent, à laquelle s’adjoignent des solistes.

L’orchestration de ces œuvres demande à la fois un effectif assez fourni et une grande variété d’instruments (cordes, bois, cuivres et percussions), tandis que les numéros chantés offrent un bon équilibre entre ceux qui sont propres au chœur et ceux propres aux solistes. Sans compter les finals,  avec des soli qui s’intercalent dans les refrains d’ensemble.

Les possibilités de retrouver une telle structure chez d’autres compositeurs sont finalement assez rares. Des opérettes bien connues comme La Chauve-souris de Johann Strauss ou La Belle de Cadix de Francis Lopez mettent davantage en valeur les personnages solistes au détriment du chœur, dont les quelques morceaux se comptent sur les doigts d’une main amputée. C’est d’ailleurs aussi le cas pour certaines pièces d’Offenbach, telles que Robinson Crusoé ou Vert-Vert. 

Par ailleurs, d’autres œuvres dont la structure pourrait convenir à la troupe, comme celles de Lopez, sont encore sujettes au droit d’auteur et les moyens de la troupe, qui demeure composée de bénévoles, ne sauraient couvrir les frais correspondants.

Enfin, il faut aussi croire que le répertoire offenbachien entretient encore et toujours un engouement du public en général, et de notre public en particulier ! La recette de l’opéra-bouffe assure en effet un succès quasi-certain – si elle est bien suivie !  – avec une partition enjouée, une orchestration étoffée, des mélodies entraînantes, gaies, parfois sentimentales, l’alternance des dialogues et des airs, la qualité du livret, son rythme, ses allusions satiriques et cet esprit « bouffe » qui amuse invariablement le public du XIXe siècle comme celui du XXIe.

Notre public ne semble pas se lasser d’Offenbach !

Alors, Offenbach pour toujours ? Voilà une grande question pour la troupe, qui pourrait bien élargir ses horizons et explorer des œuvres dignes d’être davantage mises  à l’honneur, qu’elles soient d’Offenbach, ou d’un autre !

 

Sources


 

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Oya Kephale : pourquoi ce nom ?

« Oya Kephale » (prononcer oya kéfalé), est extrait d’un couplet d’Oreste dans La Belle Hélène (1ère opérette réalisée par la troupe en 1995). Ces mots de grec signifient « Quelle tête ! », sous-entendu “Quelle tête il fait !”

 

En 1864, date de la création de La Belle Hélène, le public du théâtre des Variétés était semble-t-il suffisamment lettré pour comprendre ce passage. Kephale comptait probablement parmi les premiers mots de grec que l’on apprenait. 

 

Voici le contexte : 

Oreste, fils turbulent d’Agamemnon, entre dans le temple de Jupiter accompagné de “dames de Corinthe” – comprendre : des femmes de petite vertu. La Reine Hélène, et surtout le grand augure de Jupiter, Calchas, sont quelque peu gênés de leur arrivée dans le lieu sacré.

 

Extrait du livret :

HÉLÈNE, se retournant vers la droite avant d’entrer dans le temple.

Tiens ! il est avec Parthénis… Elle s’habille bien, cette Parthénis ! Il n’y a que ces femmes-là pour s’habiller avec cette audace !

Entrée d’Oreste, entrée vive et bruyante. Une petite troupe de joueuses de flûte et de danseuses accompagne Oreste, Parthénis et Léæna. Toute la bande se précipite sur Calchas et l’enveloppe.

CALCHAS, regardant à droite.

Et dire que c’est le fils d’Agamemnon, le fils de mon roi !…

TOUS.

Ohé ! Calchas ! ohé !

ORESTE, à Calchas (chanté).

    Au cabaret du Labyrinthe

    Cette nuit, j’ai soupé, mon vieux,

    Avec ces dames de Corinthe,

    Tout ce que la Grèce a de mieux.

    (Présentant à Calchas Parthénis et Léæna)

    C’est Parthénis et Léæna,

    Qui m’ont dit te vouloir connaître.

CALCHAS, passant entre les deux femmes.

    Pouvais-je m’attendre à cela ?

    Mesdames, j’ai bien l’honneur d’être…

ORESTE.

    C’est Parthénis et Léæna !

TOUS.

    C’est Parthénis et Léæna !

Danses autour de Calchas sur un accompagnement de flûtes et de cymbales.

    Tsing la la, tsing la la !

                     Oya Kephale, Kephale, o la la !

    Tsing la la, tsing la la !

 

La joyeuse troupe se moque des airs que prend Calchas, qui peine à garder sa dignité au milieu de cette excitation.

 

 

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Une opérette, c’est quoi ?

« Général d’opérette », « république d’opérette », « une vulgaire chanteuse d’opérette »… Le terme d’opérette n’a décidément pas bonne presse, et on l’utilise volontiers pour donner une tournure péjorative aux personnages et aux situations que l’on veut décrédibiliser.

Partant, nombreux sont ceux qui n’ont jamais vu une seule opérette et qui s’imaginent qu’il ne s’agit que d’une forme d’opéra de second rang. Un tel préjugé ne date pas d’aujourd’hui. Dès le milieu du XIXe siècle, le critique musical François-Joseph Fétis définissait l’opérette ainsi dans le Littré (1863-1873): « Mot qui a passé de la langue allemande dans le français, et par lequel on désigne de petits opéras sans importance par rapport à l’art ».

Certes, tout préjugé a un petit fondement de vérité. Alors, l’opérette, c’est juste un opéra léger ou un petit opéra ? Ou les deux en même temps, mon général ?

Une définition rigoureuse de l’opérette paraît très délicate, tant le genre est devenu protéiforme au gré des évolutions qu’il a connues dans son histoire.

Alors, sans prétendre vous apprendre ce qu’est l’opérette, osons au moins vous dire ce qu’elle n’est pas vraiment !

L’opérette, un petit opéra ?

L’opérette serait selon ce premier point de vue une forme réduite de l’opéra, qu’attesterait d’ailleurs la portée diminutive du suffixe -ette:  maisonnette, fillette, ou… bolinette comme dirait Numérobis.

Mais en quoi l’opérette serait-elle moins grande qu’un opéra ? Du fait d’un lieu de production plus modeste, d’une durée plus brève, d’un argument plus ramassé, d’un plus petit nombre de personnages, ou d’instrumentistes ?

L’opérette française sous Offenbach

La question du lieu de la création est une caractéristique fondatrice du genre de l’opérette.

A l’époque des « pères » de l’opérette, que furent Hervé ou Offenbach, une réglementation particulièrement stricte encadrait les productions théâtrales. Héritée d’un système de privilèges établi sous le premier Empire, elle limitait le nombre de salles de théâtres – d’abord à 8 sous Napoléon Ier – et elle régulait le type de spectacles pouvant y être joués.

Des dérogations ont progressivement été accordées au début du Second Empire, permettant notamment à Offenbach d’ouvrir un petit théâtre, bénéficiant de l’autorisation d’y produire des « scènes comiques et musicales dialoguées à deux ou trois personnages ».

Le théâtre des Bouffes Parisiens voit le jour en 1855, et Offenbach peut y diriger ses premières opérettes, comme Les Deux aveugles et Le Violoneux. Ces œuvres respectent alors les restrictions énoncées, et, de fait, les caractéristiques de durée et d’effectif limités.

Caricature d’Offenbach cherchant une nouvelle salle pour le théâtre qu’il vient de créer. Après avoir connu le succès estival de l’Exposition universelle, le théâtre des Bouffes-Parisiens quitte les Champs-Elysées, et emménage dès l’hiver 1855 à la salle Choiseul, proche de l’Opéra-Comique.

Ainsi, le livret tient le plus souvent en un acte unique. Par conséquent, la durée d’une opérette sera mécaniquement plus courte que celle d’un opéra, qui se décline en deux, trois voire quatre ou cinq actes.

Mais Offenbach persévère. Petit à petit, il s’affranchit de ces restrictions et compose des pièces plus longues, avec un quatrième personnage (Bataclan, 1855), puis un cinquième (Croquefer, 1857), jusqu’à même pouvoir y insérer des chœurs ! C’est alors que le répertoire d’Offenbach évolue vers un registre plus proche de l’opéra-comique, avec Orphée aux enfers, créé en 1858. L’opérette est peu à peu délaissée au gré de l’assouplissement réglementaire, qui culmine avec la parution du décret sur la liberté des théâtres en 1864. Offenbach ne compose que très rarement des opérettes à partir de cette période, et il se consacre essentiellement à l’écriture d’opéras-bouffes, d’opéras-fééries et d’opéras-comiques, œuvres plus « grandes » par leur durée et leur effectif.

De grandes opérettes ?

Hélas, on ne peut s’arrêter à ce critère de taille pour définir l’opérette, le terme ayant été revendiqué par des compositeurs plus tardifs qui s’en sont écartés.

Ainsi en est-il des opérettes autrichiennes, dont les plus célèbres, comme La Chauve-souris (1874) de Johann Strauss fils, ou La Veuve joyeuse (écrite en 1874, mais créée en 1905) de Franz Lehar, sont écrites en trois actes, et incluent un grand nombre de personnages, des chœurs, ainsi qu’une instrumentation étoffée.

De même, les opérettes françaises du XXe siècle échappent à ces critères, quand on songe à celles de Maurice Yvain (Là-haut, 1922), d’André Messager (Coups de roulis, 1928) ou de Francis Lopez (Le Chanteur de Mexico, 1955).

Luis Mariano « Le chanteur de Mexico » (Archive INA). Le Chanteur de Mexico, air extrait de l’opérette éponyme, immortalisé par le ténor Luis Mariano.

Mais alors, quel est le point commun entre ces dernières pièces et les opérettes originelles d’Offenbach ?

L’opérette, un opéra qui ne se prend pas au sérieux ?

Peut-être serait-ce le critère du caractère léger et satirique qui pourrait alors servir de dénominateur commun aux différentes formes d’opérette.

L’opérette en opposition à l’opéra ?

C’est en effet sous cet angle que l’on aime à distinguer d’une part, le genre de l’opéra, solennel, grandiose, grave et noble, qui séduit les classes intellectuelles et aristocratiques, et d’autre part, le genre de l’opérette, trivial, burlesque voire ridicule, qui n’amuserait que la petite bourgeoisie. Cette distinction est hélas bien trop exagérée, et là encore, la faute peut être imputée à ce suffixe en -ette, qui n’aide pas, avec sa connotation souvent dégradante (mauviette, pichenette, lavette etc.).

De plus, elle est erronée, car confusion est ici faite entre opera-buffa et opérette. L’opérette n’est en effet pas un produit dérivé de l’opéra, comme l’est l’opera-buffa, qui s’est développé à partir de l’operia-seria, et qui inspirera les opéras-bouffes d’Offenbach.

La satire oui, mais pas n’importe laquelle…

Certes, l’opérette demeure une œuvre souvent satirique et peut même avoir des allures de farce. Mais l’opera-buffa s’appuie tout de même sur des thèmes ou des personnages tirés d’une littérature savante, évoluant dans une intrigue relativement élaborée qui explore les moeurs de l’époque – et la façon dont elles sont habilement contournées, comme il Barbiere di Siviglia de Rossini ou Cosi fan tutte de Mozart. L’opérette, quant à elle, met en avant des situations plus familières et proches du quotidien, dans une narration qui relève plus du vaudeville que de la comédie, sans autre but que de distraire.

il Barbiere di Siviglia – Rossini Opéra de Rouen-Normandie 2019, Finale de l’acte II (version de l’Opéra de Rouen-Normandie, mise en scène de Pierre-Emmanuel Rousseau). L’opérette et surtout l’opéra-bouffe reprennent les motifs satiriques et les airs enjoués de l’opera-buffa, lequel demeure cependant caractérisé par une finalité morale, ici inspiré de la pièce de Beaumarchais, Le Barbier de Séville ou La Précaution inutile.

De plus, contrairement à l’opera-buffa, l’opérette comporte des dialogues parlés – ce qui la rapproche alors de l’opéra-comique. Mais là encore, ce critère de proximité avec le genre du vaudeville ne s’applique pas tellement aux opérettes autrichiennes évoquées plus haut. L’on pourrait d’ailleurs presque croire que ces dernières relèveraient plus de l’opéra-bouffe, et que le terme d’opérette leur serait appliqué pour mieux souligner l’influence d’Offenbach. Notons d’ailleurs que le livret de La Chauve-souris trouve son origine dans une comédie de Meilhac et Halévy (Le Réveillon), qui furent eux-mêmes librettistes d’un grand nombre d’œuvres offenbachiennes.

La Chauve-Souris, quoiqu’intitulé “opérette” par Strauss lui-même, ressemblerait davantage à un opéra-bouffe offenbachien. Ici l’air du Prince Orlofsky “Im Feuerstrom der Reben dont l’ambiance n’est guère éloignée du final de l’acte III de La Vie parisienne: Die Fledermaus – English subtitles – Bavarian State Orchestra 1987 – Kleiber Wachter Coburn. Source de l’image : carte postale pour le 25e jubilé de la création de la Chauve-souris, Wienbibliothek, WBR, HS, HIN-223954.

Mais alors, qu’est-ce qu’une opérette ?

Comme annoncé d’emblée, il était plus évident de dire ce que n’est pas une opérette. Dire ce qu’elle est précisément, c’est prendre le risque de la figer dans un genre artificiel, qui ne tient pas compte de la réalité historique – celle d’une incrémentation progressive d’influences des différents compositeurs d’opérettes à travers les âges et les pays. Et pour celles et ceux qui voudront encore obtenir une définition canonique de l’opérette, il faudra se contenter de rechercher un faisceau d’indices à la manière des juristes, en gardant en tête que ces critères sont loin de s’autosuffire :

  • Brièveté du livret
  • Effectif réduit, tant pour les chanteurs que les instrumentistes
  • Thème léger et satirique, proche du vaudeville
  • Présence de dialogues parlés

Si vous avez bien suivi, vous aurez donc compris que, malgré les abus de langage, Oya Kephale n’a jamais produit une seule opérette ! Eh oui, si Offenbach est, pour l’heure, le seul compositeur que nous mettons à l’honneur au théâtre d’Asnières, nous n’avons joué que ses opéra-bouffes et ses opéra-fééries.

Sources

 

 

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Mais qui est Jacques Offenbach ?

Si le nom d’Offenbach sonne familier pour beaucoup, bien peu sont capables de fredonner l’un de ses airs  – au-delà du cercle ésotérique des fanatiques de musique classique. Et pourtant, s’ils ont le malheur de tomber sur un musicien excité de la troupe Oya Kephale qui leur explique qu’il a forcément déjà entendu ça, ils se ravisent et affirment d’un ton assuré « Ah, mais oui, c’est le mec qui a fait le French can-can ! »

 

 

Las, il faut alors entreprendre de leur expliquer que ce n’est pas exactement ça, que le Moulin Rouge a ouvert dix ans après la mort d’Offenbach et que sa vie est loin de se résumer à ces quelques mesures légères et endiablées, qui ont certes fait le tour du monde.

 

 

 

Un enfant prodige

Jakob Offenbach naît en 1819 à Cologne, d’un père musicien et chantre à la synagogue. Il révèle très tôt d’excellentes aptitudes pour la composition et pour la pratique du violon, puis du violoncelle.

Son père lui fait quitter l’Allemagne dans l’espoir de le faire admettre au Conservatoire de Paris. Son talent lui vaut d’être accepté par son directeur, Luigi Cherubini, et ce malgré son jeune âge (14 ans) et sa citoyenneté allemande. Rappelons que Liszt et Franck avaient été refusés peu avant au Conservatoire, du fait de leur citoyenneté étrangère. Il adopte alors le prénom de Jacques, et s’empresse d’achever ses études pour tenter de vivre de sa musique.

De la musique de théâtre à l’opéra-bouffe

Il intègre en 1835 l’Opéra-Comique comme violoncelliste permanent, et il y découvre notamment le théâtre et le développement du répertoire lyrique. Parallèlement, il se produit dans les salons et se fait remarquer par son jeu virtuose.

C’est en 1850 que sa vocation de compositeur d’œuvres lyriques se confirme, lorsqu’il devient directeur musical de la Comédie-Française.

Il écrit ses premières opérettes en 1853 mais, à son grand désarroi, ne parvient pas à les faire jouer à l’Opéra-Comique. C’est alors qu’il crée le Théâtre des Bouffes-Parisiens où il peut librement faire jouer ses compositions. La position astucieuse de ce théâtre, sur l’avenue des Champs-Elysées, lui permet aussi de drainer un public particulier, celui de l’Exposition universelle de 1855. Le succès de ses premières pièces fait grandir sa notoriété, et lui vaudra d’être surnommé par Rossini « le petit Mozart des Champs-Elysées ».

C’est d’ailleurs l’opera-buffa de Rossini qui inspire le nouveau genre qu’Offenbach entend développer après celui de l’opérette : l’opéra-bouffe. Orphée aux enfers, « opéra-bouffon », fait figure d’œuvre pionnière de ce genre et lui assure un succès progressif. C’est notamment dans cette œuvre que l’on retrouve le fameux galop infernal, repris en can‑can par la suite.

 

 

Divertir le Second empire … et le reste du monde

Après avoir quitté la direction du Théâtre des Bouffes-Parisiens en 1862, Offenbach est très sollicité par les grandes salles parisiennes : au Théâtre des Variétés sont créées La Belle Hélène, Barbe-Bleue, La Grande Duchesse de Gérolstein, La Périchole, et Les Brigands, et à celui du Palais-Royal, La Vie parisienne. Ces œuvres, qui dépeignent, non sans ironie, les grandes heures du Second Empire, suscitent un engouement croissant, et marquent un véritable apogée dans la carrière d’Offenbach.

Il retrouve également la fosse de l’Opéra-Comique, mais cette fois-ci à la direction, en y créant plusieurs œuvres comme Robinson Crusoé et Vert-Vert. La popularité qu’Offenbach acquiert avec ses opéras-bouffes et ses mélodies gagne le reste de l’Europe, en particulier Vienne, où il produit systématiquement une version allemande de ses œuvres. Sa renommée s’étend aussi outre-Atlantique, et lui vaudra une tournée mémorable aux États-Unis en 1876.

Une dernière décennie en dents de scie

Cet heureux épisode intervient cependant au cours d’une période contrastée pour Offenbach. Les années 1870 marquent en effet un tournant dans la vie politique et culturelle en France : le Second Empire prend fin à la suite de la défaite de Sedan. Un esprit revanchard, galvanisé par la perte de l’Alsace et de la Moselle, gagne toutes les couches de la société française. La Prusse et ses ressortissants sont pris pour cibles, et Offenbach n’est pas épargné. Malgré la Légion d’Honneur et la nationalité française qu’il a obtenues quelques années plus tôt, il se sent persona non grata et quitte Paris, puis la France. À son retour en 1873, il devient directeur du Théâtre de la Gaîté, où il crée ses premiers opéras-fééries (Le Roi Carotte, Le Voyage dans la Lune).

Il meurt en 1880, quelques mois avant la création des Contes d’Hoffmann, qui deviendra l’un des opéras français les plus joués, après Carmen de Bizet. Auteur d’une centaine d’œuvres lyriques, Offenbach s’est indéniablement imposé comme une figure incontournable du Second Empire puis comme un compositeur de référence dans l’histoire de la musique.

Dates-clefs

  • 1819 : naissance à Cologne (Allemagne).
  • 1833 : admission au Conservatoire de Paris, dans la classe de violoncelle.
  • 1850 : nomination comme directeur musical de la Comédie Française.
  • 1855 : création de son propre théâtre, les Bouffes-Parisiens, sur l’avenue des Champs-Elysées.
  • 1858 : création d’Orphée aux enfers, premier opéra-bouffe.
  • 1860 : obtention de la nationalité française.
  • 1873 : prise de fonctions comme directeur du théâtre de la Gaîté.
  • 1876 : tournée aux Etats-Unis.
  • 1880 : décès à Paris.
  • 1881 : première représentation des Contes d’Hoffmann.

 

Sources

 

 

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Pourquoi le hautbois donne-t-il le la ?

Dès les premières minutes d’un concert d’orchestre, vous l’aurez compris : le Crédit Mutuel ne possède pas le monopole du don du la.

Les instrumentistes arrivent sur scène, préchauffent un peu leur instrument, rafistolent peut-être les derniers passages incertains. Soudain, le premier hautbois se lève: silence religieux du public et des musiciens.

Le hautboïste sonne fièrement un la, annonce d’un capharnaüm-prélude au concert, rite naturel et nécessaire.

 

 

Recette simple et rapide pour accorder un orchestre symphonique :

Un accord d’orchestre réalisé dans les règles de l’art se déroule ainsi : 

  1. Le hautbois donne d’abord le la aux vents. Pour les instruments transpositeurs (lien vers un article dédié) qui le préfèreraient, un si bémol sera parfois proposé dans un second temps.
  2. Une fois les vents accordés, le hautboïste communique ce même la au premier violoniste.
  3. Parce qu’il est plus facile d’accorder son instrument par rapport à un timbre proche, c’est le premier violon qui reprend le flambeau et supervise l’accord des cordes, pupitre par pupitre, des plus graves (contrebasses et violoncelles) aux plus aigus (altos et violons).
  4. Ce n’est que lorsque chaque pupitre a amené sa corde de la à la hauteur désirée que les trois autres sont réglées, et que l’ensemble des membres de l’orchestre peaufine son accord.

Le concert est alors prêt à être dégusté.

Ça, ce sont les règles du jeu officielles. Il peut arriver que, par économie de temps, le hautbois livre son la et puis… chacun pour sa peau! 

La première violoniste de la troupe en quête d’un la

Mais pourquoi le hautbois comme référence?

Trêve de suspense : point de certitudes sur le pourquoi du comment du hautbois qui donne le la. Seulement des hypothèses.

L’une d’entre elles voudrait que le timbre bien particulier du hautbois (une clarinette peut éventuellement faire l’affaire en cas de retard du hautboïste), clair et facilement identifiable, permette à chaque musicien de s’y retrouver dans le brouhaha ambiant. 

Une émission plus constante (donc une justesse plus stable) de cet instrument par rapport aux instruments à cordes pourrait aussi expliquer pourquoi ce n’est pas le premier violon (pourtant honoré du titre de Konzertmeister, “maître de concert”) qui met tout l’ensemble d’accord. 

La raison pourrait enfin être géographique : le hautbois se situant plus ou moins au milieu de l’orchestre, il n’a qu’à se tourner vers ses collègues pour leur signifier de suivre sa note. 

Mais est-ce que tout ce spectacle est vraiment nécessaire?

Absolument. Je dirais même plus  : un second accord est parfois nécessaire, après l’entracte ou entre deux longues pièces. 

Les instruments ont en effet une fâcheuse tendance à se désaccorder. Les instruments faits de bois subissent les variations d’hygrométrie et de température, “travaillent” et “bougent”, à la manière des parquets des vieilles maisons. 

Les vents, sont sujets à d’autres lois impénétrables de la physique : à force de souffler dans l’embouchure, la température monte, la hauteur de la note augmente aussi… 

Un orchestre n’est pas juste un rassemblement de musiciens individuels, c’est un ensemble aux couleurs homogènes. Imaginez une seule seconde, si chacun s’accordait de son côté, de façon désordonnée, suivant son propre diapason : ça ferait des grumeaux aux oreilles. La recette donnée plus haut est donc nécessaire, CQFD. 

Enfin, le moment de l’accord est un point de repère. Les musiciens se remettent “dans le son” de l’orchestre, le public se tait, le concert va commencer. 

Pendant ce temps, le chef d’orchestre, resté en coulisses, travaille activement à se faire désirer.

Il finit par pointer son nez… vague d’applaudissements… silence… geste… Bon concert ! 

Sources

 

 

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